Qui succédera à “Anatomie d’une chute” de Justine Triet ? À mi-parcours du Festival, les premiers pronostics tombent déjà.
Le Festival de Cannes sans star ? Ce serait un ciel sans soleil. Cela tombe bien. Le millésime 2024 est riche en étoiles. À commencer par celles venues des États-Unis. L’immense Paul Schrader, réalisateur de l’inoubliable American Gigolo retrouve son acteur fétiche Richard Gere pour Oh, Canada, l’histoire d’un documentariste réfugié au Canada à la fin des années 1960 après avoir fui la guerre du Vietnam. Alors qu’il est atteint d’un cancer incurable, il accepte d’accorder une ultime interview et livre tous ses secrets. Uma Thurman est au casting du film présenté en compétition.
Après le succès de Pauvres créatures, Yorgos Lanthimos revient avec Kind of Kindness. Cette fable sous forme de triptyque suit plusieurs personnages incarnés par Emma Stone, Willem Dafoe. Déroutant.
Donal Trump sur la Croisette ? Ali Abassi s’attèle à un pan de la vie de Donald Trump avec The Apprentice. Un projet ambitieux qui nous renvoie dans les années 1970, moment où l’entrepreneur immobilier Donald Trump rencontre l’homme politique, Roy Cohn. Le duo Sebastian Stan–Jeremy Strong est magnétique. Un prix possible.
Coralie Fargeat (Revenge) a présenté hier soir The Substance, un film d’horreur, style rarement en compétition officielle. Séduira-t-il le jury ? Demi Moore y fait son grand retour, à l’écran et sur les marches du palais.
Rumours (hors compétition) des Canadiens Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson réunit un casting 5 étoiles : Cate Blanchett, Alicia Vikander, Roy Dupuis. Le pitch ? Les dirigeants des sept nations composant le G7 se réunissent pour leur sommet annuel mais se perdent dans les bois et doivent, malgré tout, rédiger une déclaration sur une crise mondiale. Palpitant !
À 59 ans, Kevin Costner oscarisé de Danse avec les loups est revenu sur la Croisette pour la projection, hier soir, de Horizon, An American Saga, premier volet d’un western, de trois heures, racontant le récit de l’avant et l’après Guerre de Sécession. Grandiose.
Une actrice trans
Une première vraie sensation à Cannes : la surprenante et enthousiasmante comédie musicale Emilia Pérez de Jacques Audiard. Le réalisateur de Dheepan, Palme d’or en 2015, n’en est pas à un paradoxe près. Mis en musique par la musicienne et chanteuse Camille, le treizième long métrage (un signe de chance ?) raconte l’histoire d’une jeune avocate qui aide le chef d’un cartel mexicain à changer de sexe. Le film audacieux est brillamment interprété par Zoe Saldana, Selena Gomez et Karla Sofía Gascón. L’actrice andalouse a connu le succès au Mexique, où elle a effectué sa transition de genre. Elle incarne une Emilia Pérez bouleversante. Peut-être le prix d’interprétation féminine ? Pourquoi pas. La mise en scène est superbe, digne des meilleures comédies musicales américaines. Jacques Audiard s’est fait plaisir. À nous aussi. Un candidat sérieux pour la Palme ?
Parmi les équipes françaises à suivre : Marcelo Mio de Christophe Honoré avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini ; La plus précieuse des marchandises, film d’animation de Michel Hazanavicius avec les voix de Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc et Denis Podalydès. Sans oublier Le Comte de Monte-Cristo (hors compétition) adapté et réalisé par Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte.
Le procès du chien est le premier long métrage de l’actrice franco-suisse Laetitia Dosch. Campant le rôle principal dans cette comédie judiciaire, elle incarne une avocate spécialisée dans les cas désespérés, se retrouvant à défendre un chien devant un tribunal. On y voit François Damiens et Pierre Deladonchamps. Jubilatoire. Il y a un peu de la France dans Limonov, la ballade de Kirill Serebrennikov (réalisateur du merveilleux La Femme de Tchaïkovski, injustement absent du palmarès cannois, en 2022) puisque le film est l’adaptation (libre) du best-seller Limonov d’Emmanuel Carrère (Ed. P.O.L., 2011).
Set et match pour Leonardo van Dijl !
La jeune Julie (Tessa Van den Broeck, également joueuse de tennis), promise à un bel avenir tennistique, est sous l’emprise de son coach, dont elle tait les abus. Alors que tout le monde la pousse à parler, Julie choisit le silence. Inspiratrice du film, la championne internationale de tennis Naomi Osaka s’associe à Julie Keeps Quiet. On se souvient que la championne américano-japonaise, numéro deux mondiale, avait franchi le premier tour du tournoi de Roland-Garros en 2021.
Contre toute attente, elle avait refusé de participer aux conférences de presse au nom de sa santé mentale puis s’était retirée du tournoi. Naomi Osaka s’est également illustrée par ses prises de position, comme son soutien au mouvement Black Lives Matter. Avec ce premier long métrage Julie Keeps Quiet, présenté à la Semaine de la critique, Leonardo van Dijl signe un drame résolument contemporain dans l’univers du tennis de haute compétition. Il concourt également pour la Caméra d’or, qui récompense le meilleur premier film toutes sections confondues.
Mohammad Rasoulof à Cannes ?
Grande voix du cinéma iranien, dans le viseur du régime des mollahs depuis des années, le réalisateur de 51 ans Mohammad Rasoulof a été récemment condamné en appel à huit ans de prison dont cinq applicables. Dénonçant une peine injuste, il est parvenu à quitter clandestinement l’Iran et à se réfugier en Allemagne en mai. Le cinéaste espère être présent sur la Croisette pour présenter son dernier film The seed of the sacred fig qui sera projeté le 24 mai, à la veille du palmarès.
Article écrit par Corinne Le Brun, paru sur Eventail.be. Retrouvez d’autres articles sur l’actualité de la gastronomie, mais aussi celle du gotha, du patrimoine, de la mode, de la déco, de l’art et de la culture et de l’entrepreneuriat sur www.eventail.be.