L’escalier du musée Guggenheim de New York, conçu par Frank Lloyd Wright
De Venise à New York, de Bilbao à Abu Dhabi, le système de fondations et de musées créé par Peggy Guggenheim se tourne vers l’avenir avec, pour la première fois, une femme à sa tête.
Juan Ignacio Vidarte, dirige le musée de Bilbao depuis plus de 30 ans. Il le quittera sans regret à la fin de l’année car, explique-t-il, “il est temps d’écrire un nouveau chapitre et de laisser la place aux idées et aux perspectives de la nouvelle génération”. Il continuera cependant à travailler pour la Fondation Solomon R. Guggenheim, où il s’occupera des stratégies pour les projets internationaux. Vidarte est à Bilbao depuis que l’architecte Frank Gehry a transformé cette ville industrielle en capitale de l’art sous l’égide de la Fondation, avec un chiffre d’affaires de 1,3 million de visiteurs (parmi les records récents figure l’exposition Yayoi Kusama avec 586.000 entrées en seulement trois mois) et un impact sur le territoire de 760 millions d’euros en 2023. Sa trajectoire est un résumé des lignes directrices d’une marque internationale qui se définit comme une « Constellation » de musées qui, de New York à Venise, Bilbao et bientôt Abu Dhabi, anticipe les tendances mondiales et récompense les artistes historiques avec des rétrospectives prestigieuses qui affectent leur valeur marchande. Le nouveau colosse des Émirats, prévu pour la fin de 2025, portera également la signature de Gehry. Les directeurs et conservateurs des quatre musées se sont retrouvés pendant la Biennale de Venise sur la terrasse de la Peggy Guggenheim Collection, accueillis par la directrice Karole P.B. Vail, petite-fille de la mécène qui, confie-t-elle, considère son lien de parenté comme un atout : « Connaître et me familiariser avec la collection depuis mon enfance, lorsque je rendais visite à ma grand-mère Peggy, m’a incitée à me consacrer à l’art moderne et contemporain à l’âge adulte ».
Grande première
C’est avec le Grand Canal en toile de fond qu’a été annoncée la nomination de Mariët Westermann, première femme à occuper le poste de directrice et chef de la direction de la Solomon R. Guggenheim Foundation and Museum. Cette nouvelle étoile de la constellation gérera les relations dans le macro-espace d’un système de plus en plus difficile à manier. « Mon objectif, a annoncé M. Westermann, est de veiller à ce que nous utilisions notre portée mondiale pour accroître notre impact en tant que constellation unifiée de musées.” « Nous sommes constamment en contact avec d’autres sites », a confirmé M. Vail, “en particulier avec la maison mère à New York. Cet échange synergique enrichit l’offre et renforce la position de chaque musée sur la scène mondiale, contribuant ainsi à créer une expérience culturelle de haut niveau pour le public international. Ici, à Venise, l’accent est mis sur les femmes artistes du XXe siècle, qui n’ont jamais été vraiment valorisées, comme Marina Apollonio, protagoniste de l’art optique et cinétique, qui ouvrira ses portes le 12 octobre. Le pari de la prochaine ouverture dans les Émirats sera de répéter le succès de la cathédrale espagnole dans le désert, même si l’île de Sa’diyatt, où se trouve le quartier culturel d’Abu Dhabi, est très fréquentée, y compris par le Louvre. Le nouveau Guggenheim aura une surface intérieure de 35 000 mètres carrés, 28 salles d’exposition pour une collection de 1 200 œuvres.”
« La connectivité permet à l’organisation de l’art d’être verticale, horizontale ou une combinaison des deux », explique de son côté Gehry à propos de son projet. Les conservateurs de la fondation n’ont participé qu’en tant que conseillers à la sélection, la propriété des œuvres restant sur place. « Il s’agit d’une collaboration visionnaire avec le département de la culture et du tourisme d’Abou Dhabi (DCT) », prévoit Stephanie Rosenthal, directrice du projet Guggenheim Abou Dhabi, “pour créer un musée qui célèbre l’art des années 1960 à nos jours, en mettant l’accent sur l’Asie occidentale et la région au sens large, avec une perspective mondiale unique. L’objectif sera large et concernera également l’Afrique du Nord. Les achats ont commencé il y a 20 ans et concernent des artistes appréciés par le marché.” Mais l’œil est aussi toujours tourné vers le visiteur, car, comme le rappelle Naomi Beckwith, directrice adjointe et conservatrice en chef du bureau de New York, « l’art est de plus en plus une expérience et sa qualité est importante ». « Le tourisme culturel est un atout”, répète M. Vidarte, “mais il faut lui fixer des limites, le diriger. Notre responsabilité est de permettre à chacun de vivre sa propre expérience. Comme à la plage, on peut en profiter de différentes manières. Nous ne sommes pas un musée d’élite ».