Frédéric Beigbeder face à l’ombre paternelle

Frédéric Beigbeder face à l’ombre paternelle

Longtemps perçu comme le chroniqueur désabusé d’une époque cynique, Frédéric Beigbeder semble aujourd’hui engagé dans une introspection plus intime. L’auteur, connu pour ses récits provocateurs tels que 99 francs ou L’amour dure trois ans, délaisse le miroir sociétal pour explorer un terrain plus personnel : celui de ses origines familiales et du mystère entourant la figure de son père.

Dans son dernier ouvrage, l’écrivain ne signe pas un règlement de comptes, mais plutôt une enquête romanesque sur un homme longtemps resté dans l’ombre. Le point de départ : la découverte, après le décès de son père, de documents intrigants, notamment plusieurs passeports sous des identités différentes. “Je me suis demandé qui était vraiment mon père”, confie Beigbeder, qui n’avait initialement pas l’intention d’écrire sur ce sujet.

Le livre s’inscrit dans une tendance actuelle de la littérature française : celle de la mémoire familiale revisitée, mais l’auteur s’en démarque en assumant une certaine distance narrative. Son père, homme discret et mystérieux, exerçait le métier de chasseur de têtes. Un rôle qui, selon Beigbeder, se prête particulièrement bien à des activités de renseignement. Certains contacts lui auraient même affirmé que les passeports retrouvés étaient liés à la CIA, donnant à cette figure paternelle des allures d’agent secret en pleine guerre froide. Il évoque au passage la position stratégique de Paris dans les réseaux d’espionnage de l’époque, un pan encore peu documenté selon lui.

Sur le plan personnel, Beigbeder dresse un portrait nuancé. Il évoque une admiration enfantine, brisée à l’adolescence par une absence prolongée, et admet avoir été longtemps rancunier. Malgré des similitudes physiques et intellectuelles — “les mêmes yeux, le même goût pour le plaisir” —, père et fils se distinguent par leur rapport au monde : l’un introverti et secret, l’autre extraverti et public.

La figure paternelle prend aussi une teinte littéraire à travers les références qu’il affectionnait, notamment Les Thibault de Roger Martin du Gard, saga familiale aux résonances biographiques. Une œuvre qui, selon Beigbeder, éclaire le rapport de son père à son propre frère, et à son passé en pensionnat.

Enfin, interrogé sur une éventuelle figure paternelle idéale, l’auteur préfère l’image d’un écrivain affectueux, comme Frédéric Dard, tout en reconnaissant le poids écrasant d’un tel héritage. À l’opposé, son père fantasmait sur James Bond, figure emblématique mais éloignée du modèle familial.

Avec ce récit, Frédéric Beigbeder poursuit une évolution littéraire amorcée depuis plusieurs années : celle d’un écrivain qui, derrière les postures provocatrices de ses débuts, semble désormais en quête de réconciliation avec lui-même et son histoire.

Photo de couverture ©JF-PAGA

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