Il n’a pas fallu attendre que les tracteurs bloquent Bruxelles pour comprendre que le monde agricole est en crise. Mais si nous ne voulons pas voir nos agriculteurs dépérir comme leurs exploitations, il est grand temps de réformer la ferme. Si la formule magique n’est pas encore connue, de nouveaux modèles apparaissent. Ambitieuse et réfléchie, une nouvelle ruralité se dessine. Dernier exemple en date : Foster Farm, à Rixensart.
Ils sont jeunes et refusent d’envisager l’agriculture, l’élevage ou l’artisanat de la même façon que leurs parents. Pour Alexis de Liedekerke à Froidefontaine, pour Nicolas le Hardy à la ferme de Linciaux, pour Charles-Edouard Jolly aux Terres du Val, pour Joseph d’Ursel d’Hex Angus, pour Gwenaël du Bus à la ferme du Peuplier, pour Arthur Lhoist à la Ferme des Rabanisse… le modèle intensif dicté par les subventions offertes à de gigantesques exploitations déshumanisées a vécu. Chacun à leur manière, ces agriculteurs-entrepreneurs proposent une nouvelle vision de leurs métiers. Récemment, ils ont vu Louis du Bois, et son vaste projet Foster Farm, rejoindre leur rang.
“Foster Farm a vocation à accueillir et à rassembler, dans un ensemble pratiquement autonome énergétiquement et le plus durable qui soit, des acteurs de l’artisanat de production ou de transformation, et l’entrepreneuriat à impact, et de promouvoir leur travail” résume, avec fermeté et conviction le jeune patron de ce nouveau programme.
Des vieux murs pour un nouveau projet
Au cœur du projet : une vieille ferme du XVIIIe siècle, abandonnée depuis 2019, et ses 30 hectares de terres, située à, littéralement, un jet de pierre de la sortie 4 de l’E411, à Rixensart. “Mes parents se sont installés dans la région il y a 10 ans et nous nous sommes très vite intéressés à notre nouvel environnement” raconte Louis. Malheureusement pour la famille du Bois, les projets de réaffectation de cette vieille bâtisse voisine, à la merci de promoteurs immobiliers ou événementiels leur font craindre le pire pour la préservation de la ruralité de ce petit coin de Brabant wallon encore épargné.
Louis, alors en fin de parcours académique, y voit une occasion en or de mettre à l’épreuve de la réalité ses convictions profondes : “J’avais, comme d’autre avant moi, constaté la difficulté de l’accès à la terre de jeunes agriculteurs ou maraîchers. J’ai aussi vu leur difficulté à valoriser leur travail. Cette ferme de Terrefosse (Fos-ter, à l’endroit, ndlr) et les terres qui l’entourent pouvaient être un outil pour résoudre, au moins en partie, ces problèmes.” Et comme Louis vient d’une famille où l’entrepreneuriat est bien plus qu’encouragé, il se lance.
Produire
D’abord, il organise les parcelles, conduites en bio-régénératif, à sa disposition pour accueillir des producteurs très divers : 2 hectares sont prévus pour du maraîchage (ils hébergeront aussi des productions plus petites à haute valeur ajoutée comme les fleurs comestibles), 8 pour des petits élevages, 20 pour des cultures et enfin, un verger sur 4 hectares a été planté. L’espace restant servira à une extension potentielle de l’activité agricole si le besoin s’en fait sentir mais surtout à des projets d’agroforesterie (haies et arbres de production sylvicole).
Transformer
Mais, à Foster Farm produire, même bio, même durable, n’est pas une fin en soi. Au contraire. Le site désire également permettre à des artisans de transformer des produits du domaine (ou d’ailleurs). Pour cela, Foster Farm dispose, dans le bâti originel de la ferme, de 150m2 (divisible en trois fois 50m2) à cette fin, à côté des boissons gastronomiques Osan et de la coutellerie Forge Ferdinand, déjà sur place.
Reunir
S’il devait s’en tenir à ça, le projet Foster Farm serait déjà très enthousiasmant, mais Louis du Bois n’avait pas envie de s’arrêter en si bon chemin. Dans une extension ultra-contemporaine (mais très intégrée grâce l’excellent travail de l’architecte Sébastien Cruyt (déjà vu sur des projets de développement de la Chapelle musicale Reine Elisabeth, à Waterloo) de la ferme historique, Foster a dédié un espace de bureau et de coworking, tout équipé et pensé pour s’adapter à toutes les exigences de start-ups ou scale-ups d’aujourd’hui et de demain. “Nous voulons attirer des entrepreneurs qui partagent notre vision, nos valeurs et nos envies, détaille Louis. C’est pourquoi nous visons des start-ups du monde agricole ou rural, de l’économie bleue ou circulaire, et pourquoi pas du bien-être, et de la mobilité, mais il faut qu’il y ait une dimension si pas sociétale, au moins à impact. Que, pour eux, s’installer dans une ferme, en pleine campagne (même si Bruxelles n’est qu’à 15 minutes en voiture, ndlr) entouré de producteurs et d’artisans puisse résonner avec leur activité”.
Aux 7 bureaux privatisables de 4 à 10 personnes qui composent ce confortable business center, il faut encore ajouter trois salles de réunions, notamment l’impressionnante salle Houppier dont la verrière panoramiques sur la campagne brabançonne offre à ses convives (entre 25 et 80 personnes en fonction de la configuration) un endroit inspirant pour des séminaires, conseils d’administration, présentations… Arriver à rapprocher monde de l’entreprise, startups et agriculture n’est pas le moindre des défis de Foster, mais c’est peut ce qui rend le projet si unique.
Promouvoir
“Foster doit être un tremplin pour nos entrepreneurs, producteurs et artisans, précise Louis du Bois. Nous voulons accueillir des projets installés et sérieux, leur permettre de se développer jusqu’à ce qu’ils se sentent trop à l’étroit chez nous et nous quittent pour prendre une dimension plus importante encore.” Et Foster se donne les moyens de cette ambition en ouvrant (en septembre prochain) un restaurant dont le but sera, outre de rassembler les gourmands et les gourmets de la région à la ferme, de promouvoir les produits issus du domaine, dans une philosophie typiquement “de la fourche à la fourchette” garantissant des circuits courts et saisonniers comme rarement ailleurs. Le restaurant de 50 couverts offrira depuis les baies vitrées de sa grande salle charpentée et de ses deux terrasses une vue sur la campagne et le jardin de plantes aromatiques.
Décidément, quand on écoute Louis du Bois et tous ses semblables, comment ne pas penser que le modèle de la ferme monoculturale, gigantesques et intensive, sous perfusion des subsides européens de la PAC, ne peut plus tenir et que son avenir ressemble, comme chez Foster, à une mosaïque de petits exploitants méticuleux et respectueux capable de créer, en un seul lieu, mutualisation et émulation. Voilà ce que pourrait être la nouvelle ruralité.
Article écrit par Martin Boonen, paru sur Eventail.be. Retrouvez d’autres articles sur l’actualité de la gastronomie, mais aussi celle du gotha, du patrimoine, de la mode, de la déco, de l’art et de la culture et de l’entrepreneuriat sur www.eventail.be.