A l’instar du graffiti de Banksy “Love is in the Air”, le patrimoine digital collectif englobe des archives contenant entre autre des images et des réalisations humaines.
Par Karolien Haese
Le patrimoine digital désigne l’ensemble des actifs et droits qu’une personne détient sous une forme dématérialisée, c’est-à-dire sans support physique tangible. Ce concept englobe des éléments aussi variés que des droits financiers, des données personnelles et des œuvres numériques, chacun nécessitant une gestion et une protection spécifiques.
La dématérialisation consiste à traduire, en format numérique, des informations qui existaient traditionnellement sur un support matériel, comme des écrits ou des images, pour certifier la réalité d’un droit. Désormais, ces actifs sont représentés, gérés et transférés exclusivement par voie électronique, que ce soit par le biais de bases de données sécurisées ou de chaînes de blocs pour les actifs comme les cryptomonnaies ou les NFT. Le patrimoine digital peut ainsi regrouper des éléments à valeur économique, des données personnelles de nature privée, ou encore des informations considérées comme d’intérêt public.
Cette évolution rapide de la technologie a rendu nécessaire l’adoption d’un cadre juridique adapté, mais la cadence à laquelle les innovations se succèdent complexifie la tâche et génère une période d’anxiété caractéristique de toute révolution industrielle.
Le patrimoine digital monétisable
Le patrimoine digital monétisable se compose d’actifs dématérialisés pouvant générer un revenu ou détenir une valeur économique dans le cadre d’une transaction civile ou commerciale, comme la cession ou la donation. À l’instar des actifs physiques, ces actifs numériques sont soumis à l’impôt, constituent un patrimoine juridiquement transmissible et peuvent être assujettis aux droits de mutation.
Parmi les principaux éléments de ce patrimoine, on retrouve :
- Les actifs financiers dématérialisés, tels que les titres, actions et obligations, autrefois conservés sous forme de certificats papier. Désormais stockés numériquement, ils simplifient les transactions et la gestion mais soulèvent aussi des questions de traçabilité et de sécurité.
- Les monnaies virtuelles ou cryptomonnaies, qui évoluent dans un environnement virtuel distinct des devises étatiques classiques. Leur valeur est souvent volatile, et leur conversion en monnaies traditionnelles reste conditionnée par des régulations en pleine évolution.
- Les NFT (Non-Fungible Tokens), qui représentent des biens numériques uniques. Utilisés surtout dans l’art et la collection, ils authentifient un objet numérique sans qu’il soit physiquement manipulé. Les NFT permettent de certifier la propriété d’œuvres d’art digitalisées ou d’autres actifs numériques de façon transparente et immuable.
- Les tokens de service, qui donnent accès à certains droits ou services sur des plateformes en ligne. Par exemple, certains tokens permettent de voter pour des projets ou d’obtenir des avantages spécifiques, comme des publicités personnalisées sur des réseaux sociaux spécialisés.
En outre, les droits de propriété intellectuelle numériques, comme les logiciels ou le contenu créé en ligne, peuvent également constituer une partie de ce patrimoine digital économique.
Le patrimoine digital personnel
Le patrimoine digital personnel regroupe l’ensemble des données personnelles qu’une personne ou des tiers conservent sur des supports numériques. Ce patrimoine inclut des informations intimes ou sensibles, généralement non monétisables et bénéficiant de protections légales renforcées, notamment grâce aux lois sur la confidentialité et la protection des données. Cependant, de plus en plus de citoyens envisagent de partager certaines de leurs données en échange d’une rémunération ou par engagement citoyen. Cette tendance est particulièrement notable dans le domaine de la santé, où le partage de données offre des perspectives d’amélioration pour la recherche médicale et la gestion des soins. La question de leur monétisation, ou d’un partage imposé pour le bien public, reste d’actualité et nécessite une réflexion collective.
Un débat met en lumière la fragilité de la frontière entre données protégées, données partageables et données monétisables, faisant parfois basculer le patrimoine digital personnel et privé dans des catégories distinctes selon les utilisations envisagées.
Le patrimoine digital collectif, culturel et historique
Le patrimoine digital collectif ou d’intérêt public englobe des bases de données et archives contenant des images, des textes, des enregistrements sonores ou vidéos, qui documentent l’histoire et les réalisations humaines. Ces ressources regroupent des informations sur l’art, la science, la philosophie, les évolutions économiques, les révolutions industrielles et sociopolitiques, ou encore les religions.
Lorsqu’il est structuré avec soin, ce patrimoine numérique permet un accès rapide, efficace et souvent gratuit à une vaste connaissance du monde. Il joue ainsi un rôle crucial dans la préservation de la mémoire collective et dans la transmission des savoirs, en rendant accessibles des œuvres et des documents historiques au plus grand nombre. Toutefois, la conservation et la gestion de ce patrimoine nécessitent des efforts constants pour assurer sa pérennité, garantir la qualité et veiller à son accessibilité dans un environnement numérique en constante évolution.
Le patrimoine digital, qu’il soit monétisable, personnel ou collectif, impose actuellement des réflexions profondes sur le plan juridique, fiscal et éthique. Sa gestion, encore embryonnaire dans plusieurs domaines, requiert un équilibre entre innovation et régulation, afin d’assurer la protection des droits des individus et des intérêts publics, tout en tirant profit des nouvelles possibilités offertes par la numérisation.