(Photo by Christian Liewig – Corbis/Getty Images)
A dix-sept ans, Mirra Alexandrovna Andreeva est à la porte du top 20. Avec un titre WTA à son palmarès, 265.000 followers sur Instagram et deux millions d’euros sur son compte en banque, personne ne doute que ces chiffres augmenteront encore considérablement à l’avenir.
C’est lors du tournoi de Madrid de l’an dernier que le monde faisait la connaissance de Mirra Andreeva. Née dans la ville sibérienne de Krasnoyarsk, cette jeune joueuse de haut niveau de 15 ans s’y était qualifiée pour le quatrième tour en tant que wildcard. Malgré une défaite face à Aryna Sabalenka, elle avait impressionné par son tennis intuitif et intelligent lors de ses victoires contre Leylah Fernandez (cette victoire a fait d’elle la troisième plus jeune joueuse à remporter un match dans un tournoi WTA 1000 après Coco Gauff et Ceci Bellis), Beatriz Haddad Maia et Magda Linette. Ensuite, le sprint à travers les qualifications jusqu’au troisième tour de Roland Garros lui a conféré le prédicat de super talent. Un sceau qu’elle porte avec une spontanéité et une légèreté réservées aux plus grands. A son palmarès, une carrière junior remarquable qui l’a fait se hisser à la première place en quelques tournois et, surtout, de bonnes performances en grand chelem. A cette époque, Andreeva était encadrée par un ancien joueur, Jean-Christophe Faurel, à l’école de tennis de Jean-René Lisnard à Cannes. Depuis, c’est Conchita Martinez qui a repris le rôle d’entraîneur en chef, tout en restant sur la côte azuréenne. Mais c’est sa mère, Raisa qui, inspirée par le titre de Marat Safin à l’Open d’Australie en 2005, a poussé Andreeva et sa sœur vers le tennis. À l’âge de huit ans, Andreeva participait déjà à un tournoi international de jeunes en Allemagne et atteignait les demi-finales chez les moins de 12 ans. Quatre ans plus tard, elle sera recrutée par l’agence de management IMG.

Un tennis intuitif
Les scouts de l’époque avaient noté dans leur journal que la jeune fille était petite et menue, mais en même temps extrêmement compétitive, rapide, pleine de volonté. Bref, une combattante née, avec quelque chose de spécial. « Si je sens que je dois jouer un drop shot, mais que la situation ou le moment ne s’y prête pas, je le joue quand même ! C’est une intuition que je ne peux pas expliquer. » déclarait-elle au New York Times. En 2022, et après avoir parcouru un certain nombre de tournois ITF, elle fait ses débuts sur le circuit WTA avec une wildcard à Monastir où elle s’incline de justesse au premier tour face à Potapova. Mais les connaisseurs en avaient déjà assez vu. Six mois plus tard, on assistait à ses exploits à Madrid et à Paris, sans oublier Wimbledon où elle se qualifiait pour le tableau principal via les qualifications. C’était la toute première fois que la blonde à l’humour bien trempé jouait sur gazon. « Lors de mon premier entraînement, je suis tombée trois fois », déclarait-elle en riant. Elle a également rougi lorsque le nom d’Andy Murray a été prononcé. Andreeva, grande fan de l’ancien champion écossais, avouait en effet que ce qu’elle aimait le plus dans ces voyages à la découverte des tournois de haut niveau était « une atmosphère spéciale où vous pouvez déjeuner avec toutes les célébrités. Et surtout Andy Murray, avec son visage si beau. Il est tellement incroyable. » L’effusion lui aura valu une réaction de la part de l’objet de sa passion. « Imaginez à quel point elle sera bien quand elle se fera examiner les yeux », avait-il alors plaisanté sur Twitter. Par la suite, ce petit jeu cocasse a continué. « J’ai croisé Andy », admettait-elle l’année dernière à Wimbledon, « mais je suis trop timide pour lui parler. Si je le vois, j’essaie de disparaître le plus vite possible ». C’est à Roland Garros, cette saison, qu’elle aura enfin franchi le pas en posant enfin à côté de son idole. Un pas de plus également dans sa carrière puisqu’elle s’est hissée dans le dernier carré de la Porte d’Auteuil, stoppée par Jasmine Paolini. « Je joue toujours comme je le veux », a-t-elle déclaré, donnant un autre aperçu de son approche intuitive. « J’élabore un plan avec mon entraîneur, mais après, j’oublie tout. Pendant un match, je n’ai aucune idée en tête. Je pense que c’est ma qualité : je joue comme je veux et je fais ce que je veux. » Un langage d’adolescente, qui demande encore à être nuancé.

Sacrée jeunesse !
Quand on entend Andreeva parler – elle prend des cours d’anglais depuis cinq ans et s’exprime parfaitement dans cette langue – et qu’on la regarde jouer au tennis, il faut toujours se rappeler que la jeune fille n’a que 17 ans. L’Open d’Australie 2023 en a donné un bel exemple. Après son élimination au deuxième tour, l’intervieweuse Laura Robson lui a demandé quels étaient ses ressentis par rapport à la saison précédente, lorsqu’elle était en finale du même tournoi, mais en juniors. « J’ai l’impression d’avoir plus de maturité. » lui avait-elle répondu. « Mais vous n’avez que 16 ans ! » « Oui, mais l’année dernière, j’avais 15 ans ». La Russe est ainsi devenue la plus jeune demi-finaliste de Roland Garros depuis Martina Hingis qui elle, l’avait joué à 16 ans en 1997. « Je suis presque une adolescente normale », s’est-elle réjouie. « Je dois encore faire mes devoirs tous les jours, ce que je n’aime pas trop. Pendant mon temps libre, j’aime regarder des séries télévisées. Et parfois, je passe trop de temps sur Instagram. Ce qui est peut-être un peu différent, c’est que je m’attribue déjà une bonne dose de maturité. J’ai l’impression de savoir plus ou moins ce que je fais. » Une prédiction confirmée fin juillet, où elle a remporté son premier titre WTA à Lasi, en Roumanie, après que l’Arménienne Avanesyan ait été contrainte d’abandonner au troisième set de la finale. Elle semble également déjà avoir dépassé le niveau des tournois WTA 250, ce qu’elle a encore démontré cet été à Cincinnati où elle n’est tombée qu’en quart de finale après avoir battu Navarro, Pliskova et Paolini. Et il aura fallu une bonne Iga Swiatek et un peu de chance – la Polonaise s’est imposée 7-5 au troisième set – pour dompter la jeune lionne.

Comportement d’ado
Pour les grandes championnes, les attentes augmentent à chaque grand tournoi. Il en va de même pour Andreeva qui s’est inclinée cette année au premier tour à Wimbledon et au second à l’U.S. Open. L’an dernier déjà à Wimbledon, Andreeva avait montré les faiblesses qui découlent de son jeune âge. Lors de la dernière manche, le score est de 2-5, avantage sur le jeu de service de la Russe. Cette dernière perd le point, glisse en bout de course, son bras se lève et sa raquette frappe le sol. Certains diront qu’elle lui a échappé, mais l’arbitre de chaise n’est pas de cet avis. Point de penalité et donc balle de match pour Madison Keys, qui ne se fait pas prier pour la convertir. Irritée, la Russe expédie les politesses avec son adversaire et passe devant l’arbitre sans lui serrer la main. Un geste qui lui vaudra une amende de 8.000 dollars de la part des organisateurs. « Parfois, je ne contrôle pas encore très bien mes émotions », a-t-elle admis après coup. « Mais je sais que Federer a également souffert de ses émotions lorsqu’il était adolescent. Je ne suis donc pas la seule. Je pensais qu’il me suffirait d’être patiente et que cela passerait tout seul. Mais ça ne marche pas comme ça. Il faut travailler sur soi. » Un discours qui fait présager une longue carrière qui ne fait que commencer…