« Nos vies ont basculé soudainement mais l’amour m’a permis d’affronter cette épreuve avec dignité. Notre fils Thomas est son plus beau cadeau. Dès nos premiers échanges, l’art nous a uni et son talent de photographe m’a séduit. Il n’a eu de cesse de concilier ses engagements politiques et industriels tout en partageant ses passions. Pour que sa mémoire demeure, je viens de lancer le « Fonds de dotation Olivier DASSAULT » pour perpétuer son œuvre. » Ces quelques mots sont de Natacha Dassaut, suite à la disparition brutale de son mari.
LOBBY : 7 mars 2021, le choc : Olivier disparait suite à un accident d’hélicoptère. Du jour au lendemain, votre vie bascule. Aujourd’hui, plus de trois ans après, vous vivez avec la passion de perpétuer le souvenir de votre mari. Et notamment grâce et avec son art. Expliquez-nous ça ?
Natacha Dassault : Il est encore difficile de vivre sans tristesse suite au décès de mon Olivier… La vie de notre famille a basculé brutalement. J’ai dû faire face pour mon fils Thomas qui a 13 ans aujourd’hui et la vie, même cruelle, reste magnifique. En décembre 2021 à Paris, quelques mois après ce drame, j’ai organisé à ma galerie l’exposition « Mémoire » pour mettre en lumière le photographe qu’était mon mari. Ce fut le premier hommage qui je lui ai rendu en l’exposant ainsi seul dans cette galerie qu’il aimait tant. Ses photographies avaient été présentées à de nombreuses reprises chez NAG mais je n’avais jamais organisé de solo show pour lui. Il aurait été tellement heureux de voir cette galerie devenue musée par et pour son travail. En 2016, nous avions fondé ensemble ce lieu de rencontres artistiques nommé NAG. À son origine, il s’agissait d’un concept dédié à l’art avec une approche résolument intimiste, entre création et design, un peu « comme à la maison ». Olivier Dassault, l’artiste a toujours été séduit par ma passion et mon engagement pour l’art en général et ma spontanéité à dénicher des artistes au potentiel évident. Notre couple cultivait cette énergie commune à réaliser des collections d’œuvres jusqu’à donner naissance à Not a Gallery. Ainsi baptisée, l’entité NAG devint un lieu inédit dédié aux artistes et à leurs œuvres ponctués par du mobilier d’exception proposant une vision plus élargie aux collectionneurs comme aux passionnés. Concernant son travail de photographe, je lui avais fait la promesse de faire reconnaitre son talent au plus grand nombre ainsi qu’aux institutions. À l’occasion de « Mémoire » en 2021, j’ai eu la chance d’échanger avec les dirigeants de Beaubourg ce qui a permis à « Circulation d’art », photographie emblématique réalisée à partir de détails du Centre Georges Pompidou, d’entrer dans les collections du musée en janvier 2023. 1 À l’occasion de Paris Photo en novembre 2023, j’ai présenté avec l’aide précieuse de mon équipe, une scénographie originale de ses photographies extraites des 15 dernières années. Cette exposition intitulée « Expressions Abstraites » a réuni chez Artcurial à Paris plus de 50 photographies autour des thèmes emblématiques propres à son œuvre : la surimpression, la couleur et la lumière. Ce fut un succès autant sur le plan humain qu’au regard de l’énergie et la compréhension de son travail. Cet enthousiasme m’a conforté dans la dynamique de pérenniser ses créations et de continuer à faire vivre son œuvre. Actuellement, nous exposons ses « Expressions abstraites » à la Banque Transatlantique Belgium jusqu’au 13 décembre 2024 avec une sélection déclinée en résonance avec la culture et l’histoire de la banque.
LB : Vous êtes donc la propriétaire unique et exclusive des droits sur l’art d’Olivier. Dans ses multiples vies et dans votre vie commune, quelle place prenait cet art ?
N.D. : J’ai en effet récupéré la propriété de son œuvre ; c’est comme une partie de son ADN. Les enfants ont eu la grande gentillesse de penser que je serai la plus à même pour m’en occuper. Son oeuvre est aussi une sorte d’alchimie de vie familiale parents/enfants et ils seront toujours associés à sa mémoire. Olivier aimait avant tout cultiver l’art de la rencontre avec la lumière comme avec l’humain d’ailleurs. C’était la lumière en réflexion sur un mur, une branche ou tout sujet qui suscitait son interêt. Son œuvre est à la fois foisonnante et protéiforme. De nature enjouée, il savait 2 mettre du rythme et de la couleur dans ses visions recomposées comme dans sa vie. Ses photographies sont autant de souvenirs et d’empreintes des moments merveilleux que nous avons vécus ensemble à s’émouvoir des petits riens qu’il saisissait avec frénésie.
LB : L’art photographique d’Olivier est très pointu. Il a vraiment créé un univers qui lui appartient. Pouvez-vous nous raconter comment il en est arrivé là et quelle était sa relation à l’art en général ?
N.D. : Dès l’adolescence, la photographie s’est imposée à mon mari comme une véritable révélation. Fidèle à son Minolta XD7, l’homme aux multiples facettes a consacré une partie de sa vie à saisir l’instant sur la pellicule argentique. Elle fut pour lui un véritable langage et un moyen d’expression original pour partager ses visions inattendues. En plus de 40 ans, son œuvre s’est inscrite d’abstractions instantanées en compositions uniques, au moyen d’expositions multiples et surimpressions réalisées à la prise de vue. Il a débuté en réalisant des portraits dans l’esprit des impressionnistes et, progressivement, s’est libéré de la contrainte du réalisme pour explorer la lumière, la couleur et la forme comme sources de création et de composition. C’est ainsi qu’il s’est révélé et imposé à travers l’abstraction. Grand voyageur, il aimait s’imprégner des lieux et des objets pour improviser des visuels uniques et captivants. Ses photographies s’inscrivent au catalogue de plusieurs musées et institutions : la Bibliothèque Nationale de France, l’Israël Museum de Jérusalem, le Museum of Fine Arts à Houston au Texas, et le Palm Springs Art Museum en Californie. En 2023, son oeuvre a rejoint les collections du Centre Pompidou à Paris.
LB : Dernièrement, vous avez pris une décision importante concernant la vente des oeuvres d’Olivier. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce concept de « Dotation », et dans quel esprit vous l’avez voulue ?
N.D. : Le « FONDS DE DOTATION OLIVIER DASSAULT » a principalement pour objet de promouvoir et d’assurer la conservation de l’œuvre photographique de mon mari. Il a pour ambition de perpétuer et développer sa promotion et la diffusion, en l’intégrant dans le mouvement artistique dans lequel elle s’inscrit. Il s’agit également de soutenir et promouvoir des travaux, de nature universitaire ou autre, consacrés à la compréhension et à l’interprétation de l’œuvre, sous la forme d’expositions et tout événement en lien avec son art et quelque mode de création artistique dédié. C’est d’ailleurs ce à quoi je m’attache à réaliser depuis 2021. J’ai par ailleurs pour projet l’édition d’un catalogue de référence sous forme de monographie ou catalogue raisonné, le fonds sera fort utile pour cela.
LB : Avec et grâce à son art, Olivier est toujours avec vous, et parmi nous ?
N.D. : Ses images sont empreintes de lumière forte avec cette notion d’éternité depuis qu’il nous a quitté. Car au-delà de l’esthétisme d’une oeuvre, ce que j’aime dans l’art, c’est le souhait de l’artiste de partager une vision, un sentiment ou une espérance… C’était ce que j’aime dans les photographies d’Olivier, c’est ce gout de l’instant et la joie qu’il avait à rassembler pour dialoguer comme il aimait le faire avec sa famille et ses amis. Il est juste d’affirmer que son oeuvre témoigne d’un fragment de vie où la lumière s’accorde à la matière et nous invite à apprécier la beauté du monde pour la savourer et la préserver. L’image fugace se fige dans l’éternité. Le mystère et le questionnement entourent souvent le phénomène de la création. Pour lui, l’essentiel c’était la rencontre avec la lumière. « La lumière qui se pose sur un objet, aussi anodin soit-il, se fait guide. » disait-il. J’aime à croire que sa lumière demeure.
L’exposition « Expressions abstraites » est visible à la Banque Transatlantique Belgium jusqu’au 13 décembre, sur rendez-vous (02/626.02.70 & btb@banquetransatlantique.be)
Nag La Réserve
21 rue de Longchamp
75116 Paris
tél: + 33 (0)1 85 73 19 45
chantalmod@me.com
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