Clément Geens, numéro un belge

Clément Geens, numéro un belge

« J’attends le premier joueur de padel formé en Belgique depuis sa prime jeunesse »
Il est à la fois au four et au moulin. Ex-promesse du tennis belge, Clément Geens est devenu numéro un belge au padel, avec des ambitions de Top 100 mondial. En même temps, comme directeur sportif de Padel Wallonie Bruxelles, il rêve de voir émerger un grand talent formé uniquement à la discipline, qui ne soit pas un transfuge d’un autre sport.

« Pas de plan derrière tout ça »

La progression fulgurante du padel a changé la vie de Clément Geens. On parle de quelqu’un qui, il y a huit ans d’ici, pointait 245e à l’ATP à tout juste vingt ans, qui avait disputé les quatre tournois du Grand Chelem chez les juniors ainsi qu’une finale en tournoi Challenger, une promesse pour le tennis belge dont les espoirs furent annihilés par des fractures de fatigue à répétition au bras gauche.
« La première a sans doute été insuffisamment consolidée, dit-il. Je ne pouvais plus réaliser de revers à deux mains sans que la douleur ne revienne à la longue. J’aime encore jouer au tennis, mais je ne peux plus le faire à haute intensité. Un moment, il faut se poser les bonnes questions, prendre les bonnes décisions. Pour autant, rien n’était programmé, il n’y avait pas de plan derrière tout ça. Je ne me suis pas dit que j’allais jouer un jour avec les « pros » du padel, ou devenir directeur sportif à la fédération, c’est arrivé comme ça, au fil du temps et des opportunités, la reconversion s’est faite un peu toute seule. J’avais déjà commencé le padel avec des amis, et comme tout le monde j’avais accroché, c’était fun. Quand j’ai arrêté ma carrière de tennis, j’y ai joué beaucoup plus, je me suis également mis à donner des cours. Avec mon meilleur ami François Azzola, nous avons ouvert la Padel Events Academy à Ottignies, qui fonctionne super bien et officie aujourd’hui dans trois clubs différents. J’ai grandi dans une famille de sportifs, je baigne dans la compétition depuis tout petit, hockey, tennis, j’adore ça, et j’ai commencé à jouer au padel de mieux en mieux, j’ai intégré l’équipe nationale, de fil en aiguille je me suis lancé dans quelques tournois à l’étranger… »

« Une offre qui ne se refuse pas »

Très vite, aussi, Padel Wallonie Bruxelles a proposé la place de Directeur Sportif à Clément.
« La fédé avait besoin de quelqu’un, dans ma situation c’est une offre qui ne se refusait pas, d’autant que je m’y suis toujours senti bien, j’ai quitté le Centre de Mons à regrets », dit-il. « Pour l’instant, je suis sous contrat à 3/5e temps, mais cela m’occupe beaucoup. Tout était à faire, les structures se mettent en place, c’est passionnant. Je travaille aussi avec la partie néerlandophone. On doit approcher les 2.000 terrains en Belgique, il y en a un peu plus tous les jours. A tous niveaux, qu’il s’agisse de structure administrative ou financière, d’avantages pour les clubs, de formation des jeunes et des cadres, de reconnaissance nationale et internationale, c’est à Padel Wallonie Bruxelles (et à Padel Vlaanderen ou Padel Belgium) que cela se passe. Beaucoup de pratiquants viennent du tennis ou d’autres sports, et c’est normal à ce stade, mais je suis impatient de voir grandir le premier joueur de padel formé en Belgique depuis sa prime jeunesse, comme on en trouve en Espagne ou en Argentine. Avoir quelqu’un au top peut faire beaucoup pour le padel dans le public. »

« A fond durant deux, trois ou quatre ans »

Le boulot n’est donc pas mince, comment arriver à le combiner avec d’autres occupations, et notamment une carrière ascendante sur le circuit international ?
« C’est une question d’organisation et de confiance, ce sont des heures modulables, l’important est que le travail soit fait », dit-il. « Il m’arrive de travailler à l’étranger, dans l’avion, ou dans ma chambre d’hôtel. Je tiens aussi à garder un équilibre avec ma copine, mes amis, ma famille. S’il me manque du temps, c’est plutôt celui qui me permettrait de m’entraîner pour progresser plus en tant que joueur, j’en trouve mais pas assez. »
Avec un partenaire italien, Marco Casseta, qui s’entraîne à Madrid, Clément n’en est pas moins parvenu cette année à se qualifier pour la première fois en tableau final d’un tournoi Major, l’équivalent d’un Grand Chelem en tennis.
« C’est un monde qui reste très hispanique, et compliqué si l’on ne vient pas d’Espagne ou d’Amérique du sud », explique-t-il. « L’espagnol, que je ne parle pas sinon les mots de base pour notre sport, est toujours la langue véhiculaire même s’il y a de plus en plus d’efforts pour utiliser l’anglais. Au tennis, je n’avais pas de coup vraiment fort, je devais beaucoup construire les points, je me retrouve donc bien dans le padel où le jeu est très subtil et tactique. Mais quand on monte de niveau, c’est de plus en plus difficile, on fait face à des gars qui jouent depuis vingt ans. Je sais que ce ne sera pas simple avec mon emploi du temps, mais, durant deux, trois ou quatre saisons, j’aimerais encore pouvoir y aller à fond et voir où cela me mène, avec le Top 100 comme objectif de départ (il était 126e au moment d’écrire ces lignes, ndlr). En termes de gestion tactique et défensive, de solutions ou de plan B dans mon jeu, je sais qu’il me reste des progrès à faire. »

MEXICO CITY, MEXICO – DECEMBER 28: Clement Geens of Belgica, in action during the Mexican Youth Tennis Open at Deportivo Chapultepec on December 28, 2012 in Mexico City, Mexico. (Photo by Manuel Velasquez/Jam Media/LatinContent via Getty Images)

« Il faut y avoir joué pour apprécier »

En quelques années, la pratique du padel a trouvé son public, mais quel est son potentiel en tant que sport spectacle et business, là où les joueurs du top brassent des sommes colossales au tennis ?
« Ce n’est évidemment pas comparable, même si les meilleurs du padel sont des stars dans des pays comme l’Espagne ou l’Argentine« , dit Clément. « Le Top 60 mondial gagne correctement sa vie comme professionnels. Au-delà du Top 100, c’est très compliqué. Pour le côté spectacle, 50.000 visiteurs à Tour & Taxis ce n’est quand même pas rien. Merci à ceux qui prennent les risques d’une telle organisation, cela coûte cher et il n’y a qu’une vingtaine de tournois de ce niveau dans le monde chaque année, c’est une magnifique vitrine pour notre sport. Mais c’est vrai que des gens qui n’ont jamais pratiqué le tennis prennent plaisir à regarder une grande finale de Grand Chelem, tandis que je ne connais personne qui ferait pareil pour le padel, il faut y avoir joué au moins un peu pour apprécier. C’est aussi un sport qui a été beaucoup moins médiatisé, même si on commence doucement à en voir sur des chaînes payantes. Il faudrait que cela se professionnalise dans d’autres pays que l’Espagne et l’Argentine, qu’en Europe, en France, en Allemagne, dans les pays de l’est, en Belgique pourquoi pas, on en arrive à faire de gros résultats, comme c’est le cas en Suède avec Daniel Windahl. Il manque encore un petit quelque chose pour que cela « explose » complètement. »

Il ne le dira pas lui-même, mais, associé sur la scène nationale au jeune Maxime Deloyer, Clément Geens n’a plus connu la défaite depuis longtemps sur le Belgium Padel Tour malgré la concurrence des Jérome Peeters, Joris Deweerdt, Bram Coene, Jeremy Gala, Laurent Montoisy, de son pote François Azzola ou du jeune Isaac Huysveld qui s’entraîne en Espagne. « On fait tous une carrière personnelle, mais en même temps on ne peut parvenir à rien tout seul« , souligne-t-il, « on est obligatoirement deux sur le terrain et on dépend l’un de l’autre, c’est un peu comme une carrière de double au tennis ».

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