Impériale il y a deux ans à Rome, l’Europe défendra son titre du 26 au 28 septembre à Bethpage, à proximité de New York. Les Américains les attendent de pied ferme. Analyse.
Le golf est un sport de gentleman pratiqué par… des gentleman. A l’heure où les tensions géopolitiques sont exacerbées, il est bon de le rappeler. Dans ce cadre, nous espérons bien sûr que la 45e édition de la confrontation biennale entre les Etats-Unis et l’Europe restera purement sportive en terre américaine, même si tous les ingrédients sont présents pour la rendre particulièrement explosive. A commencer par la présence du président Donald Trump, golfeur invétéré qui se fera une joie de brandir le drapeau américain en cas de victoire. Les traditionnels « USA, USA » résonneront quant à eux durant trois jours, plus insupportables que jamais dans les oreilles des joueurs et des supporters du Vieux continent qui oseront se rendre outre-Atlantique pour cet événement. Du moins ceux qui en ont les moyens financiers ! Il fallait en effet débourser des sommes folles -soit près de 800$ au minimum par jour de compétition- pour se retrouver uniquement sur le site du Black Course de Bethpage, sis à Farmingdale, dans la banlieue cossue de New York. Obtenir un ticket est par ailleurs assez périlleux alors qu’il fallait s’inscrire en ligne en octobre dernier pour accéder à la billetterie.

Thomas Detry dans le top 6 européen
Mais nous n’y sommes pas encore, loin de là. Au niveau belge, Thomas Detry a désormais une réelle chance de rentrer pour la première fois dans l’équipe européenne, suite notamment à sa victoire au Phoenix Open en février dernier à Scottsdale. Celle-ci l’a propulsé dans le Top 6 de l’Europe Team Rankings, directement qualificatif pour l’équipe du capitaine Luke Donald. Désireux de conserver le Trophée conquis à Rome, l’Anglais dispose par ailleurs de six wild-cards. Detry serait cependant bien inspiré de conserver sa place dans ce fameux top 6 d’ici le 24 août à l’issue du British Masters, dernier tournoi pris en compte pour ce ranking. En effet, les six « picks » du capitaine sont d’ores et déjà très convoitées.

Sergio Garcia en rêve toujours
A commencer par les joueurs européens évoluant sur le LIV Golf, et qui n’auront que très peu d’occasions de marquer des points dans les prochains mois. C’est le cas notamment de Sergio Garcia, un « good friend » de Luke Donald, qui s’est mis en ordre administrativement et financièrement en payant ses amendes afin de revenir sur le DP World Tour. Il ne purgera cependant sa suspension qu’au mois de juin prochain ! D’ici là, l’Espagnol qui détient, rappelons-le, le record de points conquis (28,5) en Ryder Cup, avait l’occasion de montrer qu’il n’avait rien perdu de son talent au Masters, mais aussi à l’US PGA pour lequel il a reçu une invitation. Vainqueur sur le LIV à Hong Kong, il peut par ailleurs encore se montrer à son avantage lors des prochaines manches, tout en se qualifiant pour l’US Open et le British Open, afin de se rendre véritablement incontournable.

Rahm et Hatton, une paire redoutable
Incontournable, son compatriote Jon Rahm l’est assurément, tout comme l’Anglais Tyrell Hatton, qui ont formé une paire redoutable il y a deux ans au Marco Simone Golf Club. Mais au moment de boucler ces lignes, seul Hatton avait répondu à l’attente, tandis que Rahm devra sortir le grand jeu lors des différents majors s’il veut se qualifier sans être « pické »…
Dans le creux de la vague depuis plusieurs mois, le Norvégien Viktor Hovland (toujours dans le top 20 mondial fin mars) risque aussi d’avoir la préséance sur un joueur comme Detry en cas de repêchage, tout comme des joueurs britanniques comme Justin Rose et Tommy Fleetwood.

Les frères jumeaux Hojgaard
Reste aussi le cas des frères jumeaux danois Hojgaard. Si Nicolai a répondu à l’attente à Rome, ses résultats sont véritablement en dents de scie depuis lors. Rasmus a quant à lui du mal à trouver ses marques sur le PGA Tour, alors qu’il a réussi ses meilleures performances ces derniers mois en Europe, s’imposant notamment à l’Open d’Irlande tout en étant runner-up au DP World Tour Championship à Abu Dhabi, 3e au British Masters, 4e au masters d’Andalousie et au KLM Open des Pays-Bas. Or, c’est quand même bien sur un parcours « made in USA » qu’il s’agira de performer fin septembre ! Une bonne performance dans les prochains mois en major sur le sol américain serait en tout cas la meilleure réponse à donner à son capitaine.

McIlroy, épaulé par Aberg
Vainqueur du DP World Tour Championship à Dubai, mais aussi à Pebble Beach et au Players Championship à Sawgrass, Rory McIlroy s’érige quant à lui plus que jamais comme le chef de file de l’équipe européenne. Il sera épaulé par Ludvig Aberg. Bien remis de son opération au genou, le Suédois a encore gagné en maturité depuis sa première sélection en Ryder Cup il y a deux ans, alors qu’il sortait à peine des études. Désormais bien accroché dans le top 5 mondial, Aberg a renoué avec le succès au Genesis Invitational, tout en collectionnant de nombreuses places d’honneur sur le PGA Tour, quasiment le seul circuit sur lequel il évolue.
Relativement discret par nature et modèle de régularité, l’Autrichien Sepp Straka devrait cependant être confirmé dans l’équipe, alors qu’il frappe aux portes du top 10 mondial suite notamment à son succès en début de saison à l’American Express à La Quinta, en Californie. L’Ecossais Robert McIntyre et l’Irlandais Shane Lowry ne seront pas non plus évincés, faisant partie intégrante du winning team en Italie et du top 20 mondial tout en multipliant les top 10 sur le PGA Tour.
Surprise européenne en major ?
Au-delà des quatorze ( !) joueurs européens précités, il sera bien difficile de rentrer dans le Team Europe… à moins bien sûr d’un exploit sous la forme d’un succès majeur. Ce qui reste toujours possible, à l’instar de l’Anglais Aaron Rai, lui aussi vainqueur aux States, lors du Wyndham Championship 2024. Ou du Français Mathieu Pavon, même s’il a bien du mal à confirmer depuis son succès de l’an dernier au Farmers Insurance Open, suivi de sa 3e place à Pebble-Beach et d’une 5e place à l’US Open. Sans oublier les Anglais Matt Wallace et Laurie Canter, ou les Danois Niklas Norgaard et Thorbjorn Olesen, un cran en-dessous selon nous.
Soulignons enfin que des joueurs comme les Espagnols David Puig et Luis Masaveu, ainsi que le Nord-Irlandais Tom McKibbin, ont toutes les qualités pour jouer un jour en Ryder Cup. Mais ils devront alors évoluer davantage en dehors du LIV Golf, voir s’en éloigner complètement, tandis que le Polonais Adrian Meronk et Thomas Pieters semblent avoir perdu toute ambition à ce niveau.
Luke Donald devrait en tout cas garder la moindre ossature d’équipe qu’à Rome, tout en gardant autour de lui les vice-capitaines Edoardo Molinari et Thomas Bjorn. Mais aussi Francesco Molinari et Nicolas Colsaerts ? Ceux-ci mériteraient en tout cas d’être confirmés dans leur fonction d’ici septembre.

Bradley capitaine, et non Woods
Du côté américain, la grande question que l’on se pose, c’est : pourquoi avoir choisi Keegan Bradley comme capitaine ? Cela ressemble en effet furieusement à une compensation suite au naufrage italien, avec une défaite 16,5-11,5 alors que le team US était favori sur papier… et que Bradley n’avait étrangement pas été « pické » par le capitaine Zach Johnson !
Certes, Keegan a fait partie de l’équipe à deux reprises, s’entend parfaitement avec de nombreux joueurs et les vice-captaines déjà nommés (Brandt Snedeker, Webb Simpson, Kevin Kisner et Jim Furyk), mais le joueur du Kentucky n’a encore que 38 ans et peut encore espérer jouer dans deux ou trois éditions… y compris cette année !
A vrai dire, tous les observateurs imaginaient que Tiger Woods allait endosser le rôle. Mais Tiger a déclaré qu’il avait refusé l’opportunité, car il estime qu’il rendrait un mauvais service au Team US, tandis que son poste de « joueur directeur » au board du PGA Tour était, selon lui, incompatible avec un rôle de capitaine. A voir s’il reviendra sur sa décision dans les mois ou les années à venir, alors que le Tigre avait mené les Américains à la victoire en 2019 en Presidents Cup.
Koekpa et DeChambeau, top 6 ou wild-cards
Quoi qu’il en soit, le Top 6 du Team US sera finalisé le 17 août, à l’issue du BMW Championship, tandis que Keegan Bradley annoncera ses six Captain’s picks une semaine plus tard, à l’issue du Tour Championship, finale de la FedExCup.
Dans tous les cas de figure, l’équipe américaine sera grandissime favorite pour renouer avec le succès sur ses terres, comme elle l’avait réalisé il y a quatre ans à Whistling Straits, dans le Wisconsin, où elle avait infligé une véritable humiliation 19-9 à l’Europe. Ses 12 joueurs pourraient se retrouver dans le Top 20 mondial. A l’exception notable de Brooks Koepka, qui évolue sur le LIV Golf et qui ne marque plus assez de points à ce niveau. Il devra d’ailleurs compter plus que probablement sur une wild-card, à moins d’un sixième succès en major, alors qu’il est le joueur en activité qui en compte le plus actuellement (US Open 2017 et 2018, US PGA 2018, 2019 et 2023). Bryson DeChambeau peut encore espérer quant à lui une qualification directe, lui qui se retrouve encore dans le top 20 mondial alors que, outre une 2ème place aux Inrternational Series en Inde, il n’a comptabilisé ses points qu’en majors. Mais sa victoire à l’US Open, sa deuxième place à l’USPGA et sa 6ème place au Masters prouve à suffisance que le Team US ne peut se passer de lui comme on a pu le constater lors du naufrage à Rome ! Ce qui n’est pas le cas de Patrick Reed « Captain America » ou de Dustin Johnson (reçu 5 sur 5 il y a quatre ans à Whistling Straits) qui, à moins d’une énorme surprise, ne devrait pas réapparaître sur le Black Course de Bethpage.
Armada américaine
Keegan Bradley a cependant l’embarras du choix. Outre Koepka et DeChambeau, il pourra ainsi compter sur le n°1 mondial Scottie Scheffler, logiquement en tête de l’US Team Rankings. Il peut cependant encore être dépassé par Xander Schauffele, double vainqueur en major l’an dernier (US PGA et British Open) qui semble avoir retrouvé ses sensations après avoir été tenu à l’écart pendant plus de deux mois en raison d’une déchirure dans ses côtes droites. Russell Henley et Collin Morikawa, bien installés dans le top 10 mondial et respectivement vainqueur et runner-up de l’Arnold Palmer Invitational, sont également bien placés pour obtenir leur qualification directe.

Cantlay, la casquette et la prime
Derrière ces six joueurs, qui formeront l’ossature de l’équipe lors des doubles, une douzaine de joueurs lutteront pour obtenir l’une des six places restantes, principalement via wild-cards. A savoir notamment Justin Thomas et Wyndham Clark, qui font partie du top 10 mondial malgré des résultats en dents de scie. Patrick Cantlay, décrié il y a deux ans pour avoir notamment refusé de mettre la caquette du team s’il n’était pas payé en Ryder Cup -chaque joueur US recevra une prime de participation de 500 000$, dont 300 000$ seront reversés à des fins caritatives-, serait bien inspiré d’être directement qualifié s’il veut être de la fête. Il luttera à ce niveau contre des joueurs tels JJ Spaun, qui a poussé McIlroy au play-off sur trois trous lors du dernier Players Championship, mais aussi les jeunes Akshay Bhatia (gaucher atypique), Michael Kim, Sahith Theegala ou Maverick McNealy, très en vue sur le PGA Tour en ce début de saison. Sans oublier des joueurs plus expérimentés tels Tony Finau, Lucas Glover et Billy Horschel, toujours capables de sortir une performance de choix en majors. A voir si Max Homa peut lui aussi revenir dans le coup, alors qu’il semblait véritablement à la ramasse en ce début de saison.
Jordan Spieth, le retour attendu
Reste enfin le cas Jordan Spieth. Toujours considéré par certains comme titulaire à part entière de l’autre côté de l’Atlantique, l’ex n°1 mondial n’est plus que l’ombre du joueur qu’il a été, en quête de régularité que ce soit au driving ou au putting. Ce n’est pas pour rien qu’il est sorti du top 50 mondial en fin de saison dernière, après avoir notamment subi une opération au poignet gauche. Le triple vainqueur en major (US Open et Masters 2015, British Open 2017) est cependant toujours capable de faire son Grand Chelem personnel en cas de victoire à l’US PGA Championship, du 15 au 18 mai à Quail Hollow (Caroline du nord). Ce qui serait la meilleure réponse à donner à ses détracteurs…
Par Hugues Feron
