Dans un secteur désormais mondialisé, les artisans locaux, défenseurs d’un travail durable et qualitatif, ont une carte à jouer. C’est le cas de Manufacture des Ardennes qui propose des produits toujours plus recherchés.
Next2Be – Comment Manufacture des Ardennes se forge-t-elle sa place dans le marché du meuble en bois massif ?
Yves de Schaetzen – Le marché du meuble est par excellence un marché mondialisé. Il y a l’importation d’essences exotiques, nettement moins chères que le chêne de nos Ardennes. Il y a surtout des fabricants qui ajoutent à cela une main-d’œuvre très bon marché. Connaissez-vous le coût horaire d’un ouvrier Roumain ? Il est de 2,78 euros bruts de l’heure. Je ne citerai pas les belles marques “belges” et “françaises” qui font fabriquer en Roumanie. Avant c’était en Pologne. Pour se distinguer dans ce marché hyper-compétitif, Manufacture des Ardennes se doit donc – dans son circuit court – de proposer une offre exclusive.
Next2Be – Avec quels objets pouvez-vous être compétitifs ?
Yves de Schaetzen – Nous réalisons des pièces uniques. Pas seulement au niveau conception et design. La taille de nos pièces nous permet aussi d’être compétitifs. Notre core business, ce sont les grandes tables de réunion, les bureaux en bois massif, les tables basses design et les cabanes.
Notre charte touche la sensibilité de certains clients plus que d’autres. En plus de ses innombrables efforts de conservation des espèces, Pairi Daiza n’a cessé d’investir dans des solutions durables pour la gestion de son parc. En pouvant livrer un peu plus de 200 pièces de mobilier au plus beau parc d’Europe, nous étions tout naturellement en phase avec ce client de choix. Dans l’Horeca plusieurs chefs, étoilés ou non, ont été sensibles à notre proposition.
Next2Be – Les meubles Manufacture des Ardennes sont créés en bois massif et en circuit court. Quel est l’état du marché du bois en Ardenne ?
Yves de Schaetzen – En ce qui concerne le chêne, les quantités mises en vente en Wallonie sont assez stables. Le problème est qu’elles partent majoritairement vers la Chine. Sans la moindre transformation des grumes sur notre sol. Tout le monde en parle, mais rien ne change. Au niveau régional le législateur pourrait imposer le sciage sur sol wallon d’au moins une partie des lots partant à l’exportation. Les communes propriétaires de forêts pourraient, à leur tour, réserver un tiers de leurs ventes des lots de feuillus de qualité “sciage” aux transformateurs locaux. En ce qui concerne le frêne, la “chalarose” a amputé les stocks disponibles. Ce petit champignon a fait des ravages à travers toute l’Europe. Aujourd’hui, il est difficile de trouver des tranches sèches en gros diamètres. C’est pourtant une si belle essence !
Next2Be – Vous êtes optimiste. Comment faites-vous pour vous adapter à ce marché quelque peu compliqué ?
Yves de Schaetzen – La résilience et la créativité sont des énergies positives. À côté de nos achats réguliers de bois sec, nous achetons et faisons scier quelques grosses grumes de chêne. Il ne faut plus qu’attendre cinq à six ans pour qu’une hygrométrie correcte nous permette de les travailler. (rires). Pour pallier les carences de stock de feuillus secs, nous proposons depuis peu des tranches de bois brûlé. Cette technique japonaise ancestrale garantit la durabilité des bardages extérieurs en résineux. En intérieur, le yakisugi offre à nos tranches de résineux un look très contemporain. Le recyclage est une autre source de créativité. Des meubles xviiie et xixe les plus abîmés nous récupérons les marbres. Dans le village voisin de Bièvre, la marbrerie Cogneaux nous les rescie à mesure, puis les polit. En sortant de leurs ateliers, ces tablettes éternelles sont comme neuves. Nous les utilisons dans la création de nos consoles en bois de cerf. Rien ne remplacera la créativité.