Rory McIlroy a réalisé son Grand Chelem personnel en revêtant enfin la Green Jacket, au terme d’une fin de Masters extraordinaire. Il peut se retirer à tout moment, l’esprit libéré.
« Je ne me vois pas jouer sur les circuits professionnels éternellement. Si je joue sur le Champions Tour, c’est que quelque chose aura mal tourné » plaisantait Rory McIlroy, au lendemain de son sacre au Masters, qui a tenu le monde du golf en haleine jusqu’aux petites heures, du moins de ce côté de l’Atlantique. Une journée complètement folle, comme on en voit peut-être une toutes les dix ans dans un major.
Ce qui s’est passé en avril dernier à Augusta dépasse en effet le cadre de la pure performance sportive. Il suffit de revoir le visage de McIlroy, véritablement décomposé sur le green du 18 après avoir serré la main de Justin Rose à l’issue de son birdie salvateur en play-off, pour comprendre qu’il y avait quelque chose de mythique, voir de mystique dans ce sacre qui marquera les annales de l’histoire du golf.

6ème career grand slam
Nous ne reviendrons pas ici sur les nombreux rebondissements qui ont émaillé cette fin épique de Masters, permettant à McIlroy de réussir son Grand Chelem en carrière comme l’avaient réalisé avant lui seulement cinq joueurs, à savoir Gene Sarazen, Ben Hogan, Gary Player, Jack Nicklaus et Tiger Woods. Non, il faudrait tout un magazine, voire même un roman pour expliquer tout ce qui s’est passé ce jour-là. Y compris et surtout dans la tête du Nord-Irlandais !
Ce qui est certain, c’est que Rory McIlroy aura du mal à s’en remettre. En effet, obtenir cette Green Jacket qu’il convoitait depuis plus d’une douzaine d’années et notamment ce Masters 2011 qui aurait dû être son premier titre majeur, apparaît comme un véritable accomplissement pour ce joueur très porté sur les traditions en golf. Ce qui explique d’ailleurs notamment ses réactions parfois très virulentes à l’égard des joueurs partis pour les pétrodollars d’un circuit LIV monté de toutes pièces par des donneurs de fonds arabes.
Driver en question
Rory devra ainsi rapidement trouver d’autres sources de motivation afin de poursuivre sa carrière au plus haut niveau. D’autant que, mine de rien, l’histoire de son driver recalé un mois plus tard par l’USGA lors du PGA Championship, risque de le poursuivre un certain temps. C’est en effet avec ce driver, non réglementaire au niveau de l’effet rebond, qu’il a vraisemblablement aussi disputé le Masters. Nous disons bien « vraisemblablement » car, depuis lors, le Nord-Irlandais refuse systématiquement de répondre à la presse, notamment américaine, sur ce sujet très délicat. Il ne s’est d’ailleurs pas présenté aux conférences de presse lors des différents tours du PGA Championship où, obligé de changer son driver (ou même tous ses bois ?), il fut littéralement transparent, au propre comme au figuré.
Cela n’est pas qu’une anecdote, car les accusations de tricherie sous-jacentes risquent de miner le moral d’un joueur qui… n’a plus rien à prouver. La meilleure réponse qu’il aurait ainsi à donner serait de remporter le Masters une deuxième fois, et d’accroître un peu plus le chiffre à son compteur de majors. Ce qui ferait taire définitivement ses détracteurs. En attendant, « C’est un rêve devenu réalité » soulignait-il d’entrée lors de la traditionnelle remises prix. « Voir Tiger (Woods) faire ce qu’il a fait en 1997 au Masters, puis remporter sa première Green Jacket, cela a inspiré de nombreux joueurs de ma génération à vouloir l’imiter. Je ne me suis pas facilité la tâche à Augusta. Ce fut une véritable montagne russe d’émotions. Et ce qui m’est ressorti à l’issue du play-off, c’est 14 ans d’émotions refoulées. Dans mon casier, le dimanche matin, j’ai trouvé un mot d’Angel Cabrera qui me souhaitait bonne chance. C’était sûrement une bonne intention, mais cela m’a rappelé que j’avais partagé ma partie avec l’Argentin en 2011. Mais j’ai réussi à chasser tous mes démons. Je porte ce fardeau depuis ma dernière victoire majeure en 2014. Maintenant, je me sens libéré ».
De là à prétendre qu’il arrêtera sa carrière rapidement, il y a cependant un pas que nous ne franchirons pas. Rory McIlroy n’a jamais que 36 ans, et devrait évoluer encore sur les circuits mondiaux une petite dizaine d’années. Le temps de marquer un peu plus l’histoire de la petite balle blanche, notamment au niveau olympique ? Pourquoi pas ! Tout dépendra selon nous du temps qu’il mettra à renouer avec une victoire majeure, afin que la flamme qui est en lui continue de brûler…
Hugues Feron
Photo de couverture©GettyImages
