Patron du tournoi d’Anvers, Kristoff Puelinckx prend de plus en plus d’importance sur le circuit international.
En moins d’une décennie, l’agence de management Tennium est devenue un acteur majeur sur le marché du tennis. Avec la Coupe Davis, les tournois de Barcelone et d’Anvers et une quarantaine de joueurs en portefeuille, l’entreprise belgo-espagnole ne cesse d’étendre sa plateforme.
Kristoff Puelinckx est un ingénieur gantois. Son activité professionnelle au Moyen Orient, dans le domaine des droits médiatiques et des télécommunications, l’avait fait élire domicile entre Dubaï, Miami et Barcelone. C’est dans la capitale catalane que l’histoire naît. Par le biais de son fils, qui est dans la classe de tennis de l’ancien joueur français Sébastien Grosjean. Entre eux la conversation s’engage et donnera naissance au projet Tennium en 2015 : une plateforme proposant des tournois, des joueurs, des événements et du consulting. Moins d’une décennie plus tard, la société de management est devenue un acteur majeur de la scène tennistique. Avec l’European Open d’Anvers comme premier pitch, l’ambitieux Puellinckx, aidé des connexions françaises de son écurie dont Richard Gasquet, a rapidement pris pied sur le circuit. Avec une quinzaine de tournois et une quarantaine de joueurs, il est ainsi rentré dans la cour des grands magnats du management, à l’instar d’IMG ou d’Octagon.
9ème édition
La Lotto Arena d’Anvers accueillera cette année la neuvième édition de l’European Open. Malgré des débuts hésitants, le tournoi ATP 250 s’est imposé non seulement dans le calendrier international, mais aussi dans celui des amateurs de tennis belges. Avec plus de 30.000 spectateurs pendant toute une semaine de tennis de haut niveau, l’événement est à la limite de sa capacité. Et ce, alors que le tennis masculin belge n’a pas connu sa période la plus glorieuse ces dernières années et que David Goffin n’a pas toujours brillé lors de ses apparitions à Anvers. En six apparitions, le Liégeois n’a en effet remporté que six matchs et, à chaque fois, son tournoi s’est soldé par une déception pour le joueur et le public (excepté la première édition où il a manqué la finale de peu). Néanmoins, avec la nomination en 2018 de l’ancien joueur Dick Norman en tant que directeur du tournoi et de sa femme Ilse en tant que bras droit, Puellinckx a réussi à s’entourer des bonnes personnes afin de maintenir l’organisation au top. Depuis sa première édition, le tournoi propose un savoureux mélange entre les joueurs de Tennium (Gasquet, Fils), les jeunes aspirants (Jannik Sinner s’y est révélé au public belge avec un titre en 2021) et les anciennes stars (Tsonga y a gagné en 2017 et Andy Murray s’y est débarrassé de Stan Wawrinka en finale en 2019). « Et pourtant, nous devons nous battre pour garder notre tournoi à Anvers », a déclaré Puellinckx à la RTBF l’année dernière. « L’European Open subit une forte pression pour augmenter son budget. En effet, l’ATP veut que nous le doublions dans les cinq prochaines années. Pour qu’il y ait plus d’argent pour les joueurs, l’organisation, la télévision et la production. Mais ce n’est pas si simple dans un petit pays comme le nôtre. »
Pourtant, Tennium n’a pas eu trop de difficultés à construire rapidement un empire de taille moyenne avec le tournoi de Barcelone venu logiquement compléter son portefeuille. Là, Tennium a pu disposer d’une main-d’œuvre essentiellement espagnole et d’une base d’opérations dans la ville. Grâce à la présence de méga stars telles que Rafael Nadal, puis Carlos Alcaraz, ce tournoi est devenu un Must. Avec son tournoi de Buenos Aires, Tennium s’est également rapidement établi en Amérique latine. Et cette année, l’Open de Hambourg s’est ajouté au calendrier. Autre classique du circuit, « Am Rothenbaum », qui accueille un tournoi depuis 1924. Mais sa date au calendrier, juste après Wimbledon et bien avant la tournée américaine sur dur, a rendu de plus en plus difficile la présence d’un beau plateau de participants. C’était sans compter sur le génie de Puellinckx qui y a mis Alexander Zverev à l’affiche. Avec l’enfant du pays en tête d’affiche, le tournoi ne pouvait être qu’un succès.
Du côté des femmes
Parmi toute cette testostérone du tennis masculin, Puellinckx voulait également contribuer à l’essor du tennis féminin. Avec l’organisation de toute une série de tournois WTA 125 (Buenos Aires, Montevideo, Valence, Andorre, Colina) et de quelques tournois ITF 60 (Barranquila, San Sebastian), il est également devenu un acteur du circuit féminin. L’objectif à terme était, et est toujours, d’arriver à plus de dix tournois féminins, dont la possibilité d’une organisation en Belgique et au Moyen-Orient est toujours dans les plans. « En Arabie Saoudite, par exemple, on ne veut pas seulement organiser de grands tournois, mais aussi développer le sport à partir de ses racines », explique Puellinckx. « Le pays change énormément. Cela faisait huit ans que je n’y étais pas allé et j’ai été moi-même surpris. Dans les centres commerciaux, par exemple, les femmes étaient toujours entièrement couvertes, ce n’est plus le cas. La police religieuse n’y circule plus non plus. Bien sûr, c’est encore un pays conservateur et une dictature, mais il y a beaucoup de secteurs – les affaires, le sport, la culture – qui sont en train de changer sérieusement. Avec un tournoi féminin, nous pouvons aussi y contribuer. »
Un sacré challenge
Puellinckx n’a pas peur des défis. C’est ainsi que Tennium s’est vu confier l’année dernière la tâche ingrate de redonner vie à la Coupe Davis, après 5 années de mauvaise gestion de la part de l’ancien footballeur Gerard Piqué et de sa société de gestion Kosmos. « L’essence de la Coupe Davis s’est un peu perdue », a admis Puellinckx dans le magazine de tennis CLAY, « et nous allons tâcher de lui redonner ses lettres de noblesse. L’ancien format ne fonctionne plus et les meilleurs joueurs n’étaient pas ou peu au rendez-vous. Nous pensons qu’avec un nouveau format – avec une phase de groupes dans quatre villes et un tour final à Malaga – les fans retrouveront le chemin de ce tournoi mythique. Lors de la première année d’organisation pourtant, l’Espagne, pays hôte (avec les terrains de Valence en phase de groupe et de Malaga pour la finale) ne s’est pas qualifié pour le tour final. « Ce n’est pas un drame », a néanmoins déclaré Puellinckx à la RTBF. « Bien sûr, nous aurions préféré qu’il en soit autrement, mais il y aura des supporters du monde entier et beaucoup de touristes. Nous allons recevoir beaucoup de monde ». Au final, 60.573 spectateurs ont franchi les portes du Palacio de Deportes José Maria Martin Carpena de Malaga pendant toute une semaine. Ce n’est pas si mal. Cette année, l’espoir est que la présence de Carlos Alcaraz contribue à ce que le record soit battu. Et, avec Sinner, le champion en titre, Zverev et Fritz, cela pourrait fonctionner.
Hopman cup
Dans le sillage de la Coupe Davis, la Fédération internationale de tennis s’est empressée de transférer à Tennium ses inquiétudes concernant la Coupe Billy Jean King, elle aussi en eaux troubles. Et, peut-être plus grave encore, la Hopman Cup. Jusqu’en 2019, cette compétition mixte était un véritable succès pour la fédération australienne de tennis et constituait à chaque fois un excellent début de saison pour de nombreux joueurs. Mais voilà que l’Australie a sorti de son chapeau la United Cup, tandis que de son côté la fédération masculine de tennis créait l’ATP Cup, comme pour souligner une certaine lutte de pouvoir au sein des plus hautes sphères du tennis. Tennium, se rendant compte du fait qu’il ne restait plus beaucoup de place dans le calendrier pour sa Hopman Cup, a finalement opté pour Nice, dans le sud de la France, une semaine après Wimbledon. La première édition était destinée aux vacanciers de la Côte d’Azur et de jolies têtes d’affiche (David Goffin, Elise Mertens et même Carlos Alcaraz) y étaient présentes. Mais des querelles internes au Nice Lawn Tennis Club et le chevauchement des dates avec le tournoi olympique de tennis ont obligé l’organisation à annuler la deuxième édition. A voir si Puellinckx saura redonner de la couleur et du charisme à ce tournoi.
Une quarantaine de joueurs
Outre toutes ces organisations, Tennium s’occupe également des intérêts d’une quarantaine de joueurs. Quelques-uns, dont Holger Rune et Zizou Bergs, ont récemment trouvé refuge chez IMG, mais avec des joueurs comme Fils, Gasquet, Marketa Vondrousova, Marie Bouzkova, Sorana Cristea, Peyton Stearns, Mariano Navone et Francisco Comisana, il reste encore du beau monde. « Notre stratégie est de travailler avec les joueurs sur le long terme », a déclaré Puellinckx à la RTBF. « Nous voulons commencer avec un jeune talent et le guider vers le sommet. Arthur Fils avait 18 ans lorsqu’il nous a rejoints et souvent, d’autres joueurs n’en ont que 12 ou 13. Un sacré challenge qui donne parfois une superbe moisson.