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Il a tout gagné, battu tous les records, collectionné trophées et argent pour plusieurs vies, mais le plus beau succès et la plus grosse émotion de sa formidable carrière, Novak Djokovic les doit à une médaille en or, une breloque olympique qui vaut pourtant moins de 1.000 euros.
Durant des années, on s’est demandé qui, après Andy Murray, pourrait s’asseoir durablement à la table des extraterrestres monopolisant les quatre parts de l’énorme gâteau que représentent les Grands Chelems. Désormais, on a la réponse. Sous la forme d’un véritable événement historique à l’échelle tennistique. D’une part, c’est la première fois depuis 2002 qu’aucun tournoi majeur n’a été remporté dans l’année par un des « rois mages » Djokovic, Nadal, Federer. Et d’autre part, comme pour une passation de pouvoir, les « jeunes loups », Alcaraz et Sinner, après avoir déjà montré les dents précédemment, ont carrément mis la main sur le circuit en se partageant équitablement les big trophées et en réalisant des doublés rares, l’Italien sur dur en Australie et à New York, l’Espagnol sur terre battue et sur gazon à Roland Garros et Wimbledon. Sauf contretemps majeur – du genre suspension pour dopage qui pend au nez de l’un d’entre eux – tous deux sont là pour longtemps, et on peut espérer, sportivement, que leur rivalité prolongera le festin auquel le tennis mondial a droit depuis vingt ans, dans une prometteuse opposition de style à la Lendl/McEnroe. Idéalement, il faudrait même qu’un troisième homme puisse se hisser à leur niveau et les mettre à l’épreuve une fois que Djokovic aura raccroché. Parce qu’il faut bien reconnaître que le dernier US Open, privé très vite des héros olympiques cramés, et surclassés de la tête et des épaules par un Jannik Sinner que rien ne semblait atteindre, n’a pas été très amusant ou passionnant à suivre. Quelqu’un s’est même permis d’écrire que, cette fois, ces dames auraient mérité plus d’argent que les messieurs, et on ne peut pas vraiment lui donner tort.
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Andy Murray a raccroché définitivement la raquette lors des Jeux de Paris. Depuis 2019 et la pose d’une prothèse métallique à la hanche, il ne pouvait plus être celui qui s’était montré l’égal, durant au moins quatre ans, des trois plus grands joueurs de l’histoire du tennis. Pour autant, il n’a cessé de susciter l’admiration par sa résilience, sa passion et sa capacité à dépasser ses limites, au service d’un grand talent.
Ce n’est donc pas non plus un hasard si les deux lauréats new-yorkais, Aryna Sabalenka et Jannik Sinner, avaient été privés un mois plus tôt des Jeux de Paris, leur fraîcheur les a aidés à faire la différence. De Roland Garros à Flushing Meadows en passant par Wimbledon et les J.O., les cadences estivales 2024 ont été particulièrement infernales pour qui se devait d’aller au bout de tout. Les champions de tennis jouent trop, comme leurs collègues du foot. « Ils vont nous tuer », a déclaré Alcaraz à l’intention de ceux qui gèrent le circuit. Il a raison, il y a trop de tournois à disputer aux quatre coins du monde si l’on veut rester en haut de la hiérarchie, dans un monde sportif gouverné par l’argent... dont profitent largement les meilleurs joueurs, c’est le serpent qui se mord la queue. Sinner a donc aussi eu raison de dire qu’on a toujours le choix de ne pas jouer, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’exhibitions sans enjeu, mais lucratives, comme la Laver Cup. La preuve par Novak Djokovic qui, à 37 ans, prend d’autant plus soin de son physique qu’il commence vraiment à prendre de l’âge et qui organise son programme en fonction de ses grands objectifs.
La vitesse, la créativité et l’habileté qui définissent le jeu dynamique de Carlos Alcaraz inspirent une nouvelle génération passionnée de tennis. Ses remarquables réalisations professionnelles, combinées à son comportement sur le terrain, ont fait de lui l’une des étoiles montantes les plus brillantes du sport et un favori du public du monde entier.
Carlos Alcaraz (quatre titres majeurs à 21 ans) et Jannik Sinner (ses deux premiers titres la même année à 23 ans) ont ouvert une nouvelle ère pour le tennis, juste au moment où Federer raccrochait et où Nadal vit son dernier tour de piste comme un calvaire, mais où Djoko, certes bousculé plus qu’il ne l’attendait, n’a pas encore dit son dernier mot. On l’a bien vu aux Jeux lors d’une finale qui fut « le » grand match de l’année. N’oublions pas que Nole s’est blessé au genou à Roland Garros, qu’il est allé en finale à Wimbledon encore convalescent, et que s’il ambitionne toujours un 25e titre majeur, qui lui permettrait de dépasser même Margaret Court, il ne l’aurait échangé pour rien au monde avec cette médaille d’or olympique à laquelle il aspirait tant et qui lui a en quelque sorte permis de boucler la boucle. Sinner le métronome, numéro un mondial de plus en plus complet, a progressé à pas de géant en un an mais n’en a pas fini avec l’affaire du clostebol qui plombe toujours son avenir immédiat. Alcaraz, talent explosif unique qui a défait son rival italien aussi bien à Roland Garros qu’à Indian Wells (on attend toujours une finale de Grand Chelem entre les deux), doit encore faire preuve de plus de constance et mieux gérer son physique. Le Serbe, lui, a déjà tout vu, tout lu, tout vécu, y compris les rumeurs de dopage, il ne faut pas l’enterrer.