Publié le 23 mai 2022

Musée haut, musée bas

Par Shana Devleschoudere
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Dans cette histoire de musée, l’auteur ne veut ni donner de leçons, ni faire de commentaires, seulement explorer ce lieu où se rencontrent les muses, où se mêlent l’art et la vie, les mortels et les immortels, dans un ballet émouvant et absurde. Il a voulu que le public traverse le spectacle comme il visite un musée, sautant de la Peinture Hollandaise aux Dadaïstes, des Antiquités grecques aux Impressionnistes…c’est à dire en traitant chaque scène dans un style de théâtre aussi différent que l’est celui des salles de musée.

Avec l’humour grinçant de Jean-Michel Ribes, « Musée haut, musée bas » met en scène une douzaine de personnages, artistes, visiteurs, conservateurs et guides, qui s’éparpillent dans le grand bazar de la culture d’aujourd’hui. Jean-Michel Ribes met l’univers muséal sens dessus dessous. Désopilant, léger, subversif.

Avec Catherine Claeys, Séverine De Witte, Sarah Woestyn, Arnaud Van Parys, Maroine Amimi et Marc De Roy.
Mise en scène de Sandra Raco

En tournée en Wallonie // Du 20 juillet au 2 septembre 2022


Note d’intention de Sandra Raco

Musée Haut Musée Bas est une pièce complètement déjanté écrite par Jean-Michel Ribes. On y retrouve une galerie de personnages aussi loufoque les uns que les autres. Bien sûr nous sommes dans un musée et on y parle d’art, mais Ribes ose démystifier cet art et même s’en moquer. Ce qui nous fait rire c’est l’identification à ces personnages, comme c’est souvent le cas dans les comédies. Qui n’est jamais allé dans un musée sans comprendre ce qu’il y voit, ce qu’il y fait et parfois même sans choisir d’y être ?

J’avoue ne pas être une grande visiteuse de Musée et je n’y connais pas grand-chose à l’art, pourtant c’est exactement ça qui me plait dans ce texte. Ribes n’a pas choisis de mettre en valeur les artistes dans le musée mais les gens comme vous et moi, les gens qui passent dans ces musées et ceux qui y travaillent chaque jour et que personne ne regarde. On regarde les gens regarder, c’est absurde et jouissif.

Malgré le côté déjanté et loufoque du texte, il aborde des thèmes qui résonnent encore aujourd’hui mais de manière détournée. Le directeur du Musée, Monsieur Mosk craint que les plantes et les arbres reprennent leur droit en envahissant le musée et en détruisant ces œuvres. Alors qu’on parle d’écologie et de respect de la nature partout, le directeur, lui, veut la détruire et encourage les gens à faire de même. On évoque aussi les campagnes où il n’y a plus rien. Si on retourne vivre à la campagne est-ce que c’est au détriment de cette culture, est-ce qu’on a encore accès à cette culture ?

Avec Sulki et Sulku, on se pose tout le temps cette éternelle question : Qu’est-ce que l’art ? Qui décide ? Doit-il devenir populaire pour toucher tout le monde ? L’art doit-il se démocratiser ? Et de quelle manière ? En mettant Mickey dans un musée ?

Cette pièce fonctionne bien avec les contraintes imposées par la Tournée des Châteaux, un décor simple, facilement montable et démontable. Ce sont les personnages qui sont mis en avant, leur physique, leur manière de parler. Les comédiens passeront d’un rôle à un autre de manière simple et rapide, en saisissant un accessoire, un costume, un chapeau et tout ça dans un rythme effréné qui soutient ce texte déjanté.

Pour ce qui est des tableaux ou de l’art, je choisis volontairement de ne pas les figurer. Je pense que ce serait dangereux de choisir une œuvre plutôt qu’une autre. Ça risquerait de restreindre l’imaginaire du spectateur et surtout, je crois que l’important n’est pas de regarder les tableaux, mais de regarder les gens qui regardent ces tableaux.

Enfin voilà, je suis heureuse d’embarquer dans ce texte un peu fou avec des comédiens un peu frappés ! On risque de bien s’amuser.

Le musée est-il chaud, est-il froid ? Est-il haut, est-il bas ? Y a-t-il des veaux, y a-t-il des rats ? Et que viennent y faire tous ces gens ? Visiter ? Mais visiter qui, quoi ? Chercher quelqu’un ? Un arbre ? Un chien ? Se montrer, s’aimer, manger, chuchoter, s’extasier, pisser, dormir, copier ? Le musée espace de liberté ou prison pour dingues ? Qui habite les musées ? Le passé, le présent, ma tante, des œuvres, des chefs-d’œuvre, des gardiens de chefs-d’œuvre, des voleurs, des Saintes Vierges, Mickey, Giorgio De Chirico, la lumière, l’obscurité ou personne ? Et l’art dans tout ça ? L’art est un scandale et “musée” se glisse dans “s’amuser”.

Musée haut, musée bas comme un songe toboggan. Glissade d’une salle à l’autre. Vite, en courbe, en arrière, sur le côté, dans le mille et puis doucement en l’air comme une pensée du matin. Cocasse le temps se casse. Visites zigzag. Parcours guidé sans perspective. La nature revient au galop et tombe l’art. Un peu triste mais rapidement car les musées sont amusants.

Avec l’humour grinçant particulier à Jean-Michel Ribes, « Musée haut, musée bas » met en scène, à travers une multitude de décors, une douzaine de personnages, artistes, visiteurs, conservateurs et guides, qui s’éparpillent dans le grand bazar de la culture d’aujourd’hui exposée sous toutes ses facettes.

Un spectacle qui nous renvoie à nos propres contradictions et idées reçues, maniant l’humour, la dérision et un zest d’auto-dérision nécessaire aujourd’hui.

Une comédie au pas de charge, désinvolte et dévastatrice, terriblement exacte, drôle, affreusement drôle.

C’est d’une verve, d’une richesse d’inventions drôles incroyables. Ce n’est pas du tout une critique des musées, c’est une avalanche de situations burlesques situées dans un musée imaginaire et de paroles bouffonnes qui les accompagne. Michel Cournot – Le Monde

Farce grotesque qui réapprend à penser, à rire librement, à supporter avec panache l’infinie absurdité d’être de ce monde. Fabienne Pascaud – Télérama

Ce qui est formidable chez Ribes, c’est qu’il fait tout passer par le rire, la verve ou l’ironie. C’est notre Rabelais, la lucidité, plus la gaîté, plus l’extravagance. Philippe Tesson – Figaro Magazine

« Dans cette histoire de musée, je ne veux ni donner de leçons, ni faire de commentaires, seulement explorer ce lieu où se rencontrent les muses, où se mêlent l’art et la vie, les mortels et les immortels, dans un ballet émouvant et absurde. J’ai voulu que le public traverse le spectacle comme il visite un musée, sautant de la Peinture Hollandaise aux Dadaïstes, des Antiquités grecques aux Impressionnistes…c’est à dire en traitant chaque scène dans un style de théâtre aussi différent que l’est celui des salles de musée. Conscient que l’art est partout, dans le métro comme à Beaubourg, qu’une sorte d’esthétisation générale recouvre la cité et s’empare des gens et de leur langage sans qu’ils s’en rendent compte (il y a une voiture Picasso, n’importe quel acte est surréaliste et que dire de ce tee-shirt baroque) un peu comme la psychanalyse l’a fait dans les années 1960, je me suis amusé avec cette diffusion tous azimuts de l’art. D’autre part dans le combat qui oppose nature et culture, j’ai choisi Venise et je pense que le discours lénifiant de l’écologie comme salvation de l’homme est non seulement barbant mais dangereux pour l’art, c’est-à-dire l’artifice, qui nous a sorti des cavernes et nous a sauvé de ce que le scoutisme vert veut essayer de nous refourguer. Quand je sens qu’il y a dans ma démarche une volonté de démontrer, j’arrête tout.
Le commentaire analytique terrorise les auteurs, qui se retrouvent pétrifiés comme des lapins devant des phares ! Le raisonnement tue la pensée. Au musée, c’est pareil. Si on nous explique ce que représente La naissance de Vénus de Botticelli, on ne peut plus se retrouver face à elle dans un état créatif. Le vrai danger est là : ce qui est expliqué est plus petit que ce qui est. Il faut aller ailleurs, il faut sauter dans le vide. On nous dit ce qu’il faut bouffer, ce qu’il faut penser et quel temps il va faire. Il y a un trop-plein de réalité. Lâchons-nous ! » Jean-Michel Ribes

Cinéaste, metteur en scène, dramaturge, Jean-Michel Ribes, né en 1946, dirige le théâtre du Rond-Point à Paris. Il est l’auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre, dont Tout contre un petit bois, Batailles, Brèves de comptoir, Monologues, Bilogues, Trilogues ou Théâtre sans animaux.

Extraits

« – Tu vois, Max, ce qui compte ce n’est pas ce qu’on ressent pendant une exposition.

–       Non ?

–       Non. C’est comment on se comporte après. Il y a trois ans, en sortant de l’exposition Picabia, j’étais content, mais tellement content, quand je suis rentré à la maison, j’ai quitté ma femme.

–       C’est un grand peintre, Picabia.

–       Un génie, Max, un génie. »


« – On aurait dû prendre un guide, Jean-Louis.

–       Un guide ? Pour quoi faire ?

–       Pour expliquer, je comprends rien.

–       Y a pas à comprendre, Pauline, y a à ressentir

–       Je ressens pas, ça fait une heure que je ressens pas, c’est long

–       Parce que tu crois qu’un guide, ça ressent ? … »

Des goûts et des couleurs, on peut bien rire.

Si on laissait traîner une oreille dans les musées, il y aurait souvent de quoi bien s’amuser. Le public, échauffé ou refroidi par l’art exposé, est la source de réflexions de haut vol ou au ras des pâquerettes. Avec « Musée haut, musée bas », le Français Jean-Michel Ribes a imaginé une salve de saynètes où les goûts et les couleurs s’expriment dans toute leur splendeur. Ce qui s’expose ici, c’est la palette des sentiments humains, par le truchement du commentaire sur l’art. Et sur le cochon : « Simone, dit un mari à sa femme, il faut qu’on parle plus de sexe à la maison. Si on ne veut pas dégoûter les enfants de toute la période gréco-romaine, je dois même leur montrer le mien. » Et ainsi de suite, jusqu’à cette déprime des gardiens : « Vous n’imaginez pas la douleur d’être confrontés au Beau toute la journée. Comment voulez-vous acheter normalement un pain après ça ? » Voici un spectacle qui agit directement sur nos zygomatiques. Tour à tour caissiers, esthètes, néophytes ou pauvres hères perdus dans le labyrinthe de l’histoire de l’art, la troupe développe une technique ludique, privilégiant la feinte, le jeu physique et l’ironie plutôt que le profil psychologique des personnages. Ça, c’est de l’art ! Le Soir


Jean-Michel Ribes

Acteur-metteur en scène né à Paris dans un milieu artistique, Jean-Michel Ribes pratique le théâtre dès son plus jeune âge, et dès l’adolescence, fait la connaissance du peintre Gérard Garouste avec lequel il fonde la Compagnie du Pallium, où ils seront rejoints par Philippe Khorsand. Cette jeune compagnie fréquente le Théâtre de Plaisance à Montparnasse où se retrouvent Roland Topor, Jérôme Savary, Arrabal, Copi. Il y mettra en scène le Lai de Barrabas d’Arrabal avant de passer à l’écriture. Sa première pièce, les Fraises musclées, créée en 1970 au Théâtre La Bruyère, se jouera avec succès pendant huit ans. Un groupe de jeunes acteurs se forme autour de lui tels Andréa Ferréol, Roland Blanche, Gérard Darmon, Myriam Mezières, Philippe Khorsand, avec lesquels il présente Il faut que le sycomore coule et Je suis un steak. Depuis, son parcours d’auteur et de metteur en scène sont liés. À la demande de Jean Mercure, il présente au Théâtre de la Ville, l’Odyssée pour une tasse de thé (1973), et Jacky Parady (1977). Tout contre un petit bois, présenté au Théâtre Récamier (1976) reçoit le prix des U et le prix Plaisir du théâtre, tandis qu’Omphalos hôtel, présenté à Chaillot, reçoit le prix des jeunes auteurs de la SACD. En 1974, sa compagnie fusionne avec celle de Michel Berto. Pendant 10 ans, ils créeront entre autres l’Ouest le vraide Sam Shepard, Batailles qu’il écrit avec Roland Topor auquel le lie un long compagnonnage qui durera jusqu’à la mort de ce dernier. À partir de 1984, il adapte et met en scène plusieurs textes dont le Pont des soupirs d’Offenbach au Théâtre de Paris en 1987, et Brèves de comptoir au Théâtre Tristan Bernard en 1994, qui reçoit le Grand prix de l’humour noir et deux nominations aux Molières en 1995. En 1998, il a mis en scène au Théâtre du Rond-Point Rêver peut-être de Jean-Claude Grumberg, puis Tedy de Jean-Louis Bourdon avec Roland Blanche (1999) et les Nouvelles Brèves de Comptoir de Jean-Marie Gourio (1999). Sa compagnie coproduit différents spectacles tels que : Une visite inopportune de Copi (1995), Âmes Sœurs d’Enzo Cormann (1996), André le magnifique (1997). À la télévision, il a créé au début des années 80 avec Topor, Gourio, Rollin et Gébé, deux émissions décapantes pour Canal + : Merci Bernard et Palace. Au cinéma, il a réalisé trois longs métrages dont Chacun pour toi, avec Albert Dupontel et Jean Yanne.