Mis à jour le 23 février 2023

LA FONDATION SAMILIA : LA NECESSITE ABSOLUE D’UN COMBAT

Par Shana Devleschoudere
Partager sur Partager sur Linkedin

C’est l’histoire d’une prise de conscience, d’un engagement qui témoigne d’une urgence. Avec un profit annuel de plus de 150 milliards de dollars, la traite des êtres humains est le trafic le plus rentable après les armes et la drogue. Depuis 16 ans, la Fondation Samilia se bat contre cette forme contemporaine d’esclavage qui touche 48 millions de personnes, du fin fond de l’Afrique aux portes de nos maisons.    

En 2007, face au constat de l’augmentation alarmante de la traite des êtres humains et de la diminution des moyens mis à disposition des acteurs de première ligne, la Fondation Samilia est créée à l’initiative de Sophie Jekeler et de personnes de référence déterminées à agir sur le long terme contre cette violation intolérable des droits humains.  La dénomination SAMILIA est inspirée de l’héroïne du livre « La Mort du Roi Tsongor » de Laurent Gaudé, dont l’histoire fait écho aux victimes de la traite des êtres humains et jetées sur les chemins de l’exil. La Fondation Samilia a été reconnue d’utilité publique par un arrêté royal du 17 août 2007.

Juriste et activiste des Droits de l’Homme, Sophie Jekeler avait déjà auparavant consacré, au travers de son engagement dans l’asbl « Le Nid », douze années à rencontrer et accompagner des femmes et des enfants victimes d’exploitation dans la prostitution.

Le dernier combat du Roi Baudouin

La lutte contre la traite des êtres humains à des fins sexuelles fût le dernier combat du Roi Baudouin qui souhaita la création d’une commission d’enquête au Sénat sur ce crime, après avoir été interpellé par le drame de centaines de jeunes femmes thaïlandaises forcées à se prostituer, révélé par le journaliste Chris De Stoop dans son livre « Ze zijn zo lief Mijnheer ».  Lorsqu’en 1995 est promulguée une loi spécifique contre la traite des êtres humains sur base des travaux de cette commission d’enquête, et faisant de la Belgique un Etat pionnier dans la lutte contre ce phénomène criminel, Sophie Jekeler est sollicitée en Belgique et ailleurs en Europe pour son expertise qui, combinée à sa connaissance du terrain, concourra à la mise en œuvre de cette nouvelle législation belge ainsi que de diverses lois relatives à l’exploitation sexuelle en Europe. Pour cela, le Roi Albert lui accorda en 2003 le titre de baronne.

De manière à renforcer le travail des acteurs de première ligne par des actions de sensibilisation et de sensibilisation, des représentants du monde judiciaire, académique, médical et du secteur privé se mobilisent avec la Fondation Samilia pour activer la lutte contre la traite des êtres humains, qui constitue l’une des plus graves violations des Droits de l’Homme et relève, de la criminalité transnationale organisée.

Un crime à haute valeur ajoutée

Considérée comme le trafic le plus rentable après celui des armes et de la drogue, avec un profit annuel pour les trafiquants estimé à plus de 150 milliards de dollars en 2018 suivant le Groupe d’Action Financière International (GAFI), la traite des êtres humains est un phénomène criminel complexe qui recouvre des finalités disparates : la traite des êtres humains va de l’exploitation de la prostitution à l’usage d’enfants pour la production de matériel pornographique, à la mendicité forcée, au trafic d’organes, à l’exploitation par le travail forcé dans divers secteurs économiques tels que l’agriculture, l’HORECA, le textile ou la bijouterie, ou encore dans le milieu du sport exercé à des fins lucratives…

A la différence du trafic visant les personnes migrantes, la traite des êtres humains comporte une dimension spécifique liée à l’exploitation de la personne humaine par le recours à la force ou à une autre forme de contrainte, telle que le dol, la manipulation psychique et émotionnelle ou l’abus d’une situation de vulnérabilité. Elle n’implique du reste pas nécessairement le franchissement d’une frontière, comme c’est le cas du trafic d’êtres humains. 48 millions de personnes de par le monde sont victimes de la traite des êtres humains, dont 5,5 millions d’enfants. La traite ne sévit pas seulement dans les pays pauvres, mais aussi dans les pays industrialisés, et menace les valeurs qui fondent nos démocraties.

Prévenir et sensibiliser

L’objectif prioritaire de la Fondation Samilia est de travailler à la prévention en amont dans les pays d’origine des victimes, pour éviter qu’un nombre exponentiel de femmes, d’hommes et d’enfants ne se soient prisonniers et victimes de ces réseaux de traite des êtres humains, et toujours avec un impact mesurable.

En aval, la Fondation Samilia informe et sensibilise en Belgique et ailleurs en Europe, le grand public, les acteurs socioéconomiques, les responsables politiques et les media, de manière à diminuer la demande de biens ou de services impliquant la traite des êtres humains et à améliorer les dispositifs législatifs.

Récemment, la Fondation Samilia a mis en place une ASBL du même nom, afin d’intervenir en Belgique également auprès des victimes et des victimes potentielles.

En effet, les confinements successifs de 2020 et 2021, et l’augmentation corrélative du temps passé online par les adolescents, ont donné aux proxénètes un accès privilégié à de nombreuses cibles potentielles. Depuis, de nombreuses directions d’établissements scolaires belges, démunies face aux cas d’élèves probablement victimes de réseaux de traite, font appel à Samilia.

Rappelons que selon les conventions internationales, l’exploitation de la prostitution des mineurs d’âge (-18 ans) est assimilée à la traite des êtres humains.

Dans le même temps, ces confinements ainsi que les mesures prises pour lutter contre la Covid-19 ont rendu la prostitution invisible, et les victimes de traite des êtres humains encore plus difficiles à détecter.

Cela explique sans doute la raison pour laquelle, une augmentation significative de victimes potentielles font depuis appel à Samilia.

Dans cette perspective, la Fondation Samilia décline sa mission sous différents axes d’intervention coordonnés.

  • Développer des actions et des outils de prévention dans les pays d’origine des victimes, mises en place en collaboration avec des partenaires locaux
  • Intervenir dans les écoles en Belgique dans un but de prévention et au moyen d’outils spécifiques
  • Sensibiliser le grand public, les acteurs sociaux économiques et le secteur privé aux réalités de la traite des êtres humains
  • Fournir une assistance juridique aux victimes de traite des êtres humains
  • Informer de manière rigoureuse les responsables politiques
  • Alerter quant à de nouveaux phénomènes liés à la traite des êtres humains via des conférences, workshops en entreprises et actions de sensibilisation
  • Eduquer les jeunes à un comportement responsable
  • Inclure Créer des opportunités d’emploi pour les victimes de traite des êtres humains et les victimes potentielles

Concrètement, la Fondation Samilia cible ses projets de prévention et d’inclusion sociale dans les Balkans, en Afrique de l’Ouest, et en Belgique ; et ses projets de sensibilisation et d’information en Belgique et en Europe :

Ouvrir les yeux

La sensibilisation du grand public, qui est le deuxième axe de l’intervention de la Fondation Samilia, s’opère au travers de grandes campagnes thématiques, comme la campagne « Tatiana : a penny for your thoughts » menée en 2017 en ciblant l’exploitation sexuelle, la campagne « Bet4life » de 2018 qui illustrait différentes formes de traite d’êtres humains présentes dans les événements sportifs comme la Coupe du Monde de Football ou, plus récemment, la campagne « Le Goût amer du chocolat » de 2019 qui dénonçait l’exploitation des enfants dans la production des fèves de cacao, ou encore la campagne de sensibilisation à l’exploitation dans le secteur du nettoyage en 2022 .  Convaincre, sans relâche, telle est une mission essentielle de la Fondation Samilia, qui interpelle les  citoyens afin de les conscientiser à la présence potentielle des victimes de la traite des êtres humains dans leur environnement, de les inciter à agir de manière responsable, notamment au regard des choix de consommation qu’ils opèrent : chacun peut, en effet, agir dans sa propre sphère pour contribuer à l’élimination de la traite des êtres humains dans les chaînes de production des produits qu’il achète ou les services qu’il sollicite.

Samilia a, en outre, pour mission d’informer rigoureusement les responsables politiques, ainsi que les représentants de la fonction judiciaire, et de les alerter de l’apparition de nouveaux phénomènes liés à la traite des êtres humains, dès lors que les trafiquants ont toujours une longueur d’avance sur les dispositifs policiers et les instruments légaux. L’apparition d’Internet, associée à la vulnérabilité accrue d’une partie des populations à risque a vu émerger des tactiques de recrutement particulièrement dangereuses pour les potentielles victimes de la traite, ce qui nécessite une vigilance accrue et la mise en œuvre de moyens d’action adaptées et toujours renforcés.

Un impact réel

L’expertise de Samilia est également sollicitée par les instances parlementaires ; et révèle son impact sur les politiques menées pour lutter contre la traite :

2009 : organisation d’une conférence au Sénat cette conférence a mené à la remise en place d’une sous-commission traite des êtres humains au Sénat.

2013 : Organisation d’une conférence interministérielle France-Belgique au Palais d’Egmont, à la demande des ministres Joëlle Milquet et Najat Vallaud-Belkacem dont l’objectif était de réunir les 17 Etats Membres de l’UE signataires de la Convention de New-York de 1949 (seul texte des Nations-Unies spécifiquement consacré à la traite des êtres humains) A l’issue de la conférence, les ministres représentants des 17 EM ont ratifié la Brussels Déclaration visant à renforcer leur collaboration en matière de lutte contre la traite des êtres humains. La Reine Mathilde a rehaussé de sa présence cette conférence et y a prononcé un discours engagé, le premier qu’elle prononça en tant que Reine des Belges.

2015 : Une résolution relative à la traite et l’exploitation dans le sport a été rédigée à l’initiative de et en étroite collaboration avec la Fondation Samilia votée à l’unanimité par le Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles, cette résolution propose des mesures concrètes pour lutter contre l’exploitation dans le sport.

2016 : En Afrique occidentale, la Fondation Samilia a mené de 2013 à 2015 le projet « Football Against Trafficking ». En 2014 la Côte d’Ivoire ne disposait pas de loi contre la traite des êtres humains – lors de différents séjours à Abidjan, nous avons sensibilisé nos interlocuteurs officiels ivoiriens à la nécessité de disposer d’une législation anti-traite, en leur expliquant l’approche multidisciplinaire de la Belgique en la matière en novembre 2016 une loi anti-traite a été votée par le parlement ivoirien.

2018 : La Fondation Samilia a reçu le Prix de la Démocratie et des Droits de l’Homme du Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles, les parlementaires s’étant prononcé à l’unanimité, leur choix témoigne de l’importance qu’ils accordent à la lutte contre la traite des êtres humains et du niveau d’expertise de la Fondation Samilia en la matière.

2019 : Fortement inspirée de la Résolution votée en 2015 par le Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles proposition de résolution déposée au Sénat visant à lutter contre la traite et l’exploitation dans le sport.

2020 : Par la publication d’une carte blanche, Samilia a exprimé ses réserves quant à l’effet dévastateur que certaines dispositions du projet de nouveau code pénal sexuel pourraient avoir sur la lutte contre la traite des êtres humains.

2021 : Audition de Samilia par la Commission Justice du Parlement fédéral pour présenter son analyse de la réforme envisagée et son impact très lourd de conséquences sur la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi qu’en termes de protection des mineurs contre l’exploitation sexuelle. Certains amendements qui atténuent quelque peu ces effets seront apportés au projet de loi.

 

2022 :  Audition de Samilia par la commission spéciale traite des êtres humains de la Chambre : durant laquelle nous avons pu exposer un état des lieux sur la situation actuelle de la prévention et de la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains en Belgique.

Un appui royal

La Fondation Samilia a eu l’honneur de bénéficier à plusieurs reprises du soutien de la Famille Royale, qui a à cœur de poursuivre le combat du Roi Baudouin contre la traite des êtres humains.

Des artistes engagés

Lors de concerts organisés au profit de la Fondation SAMILIA, des artistes prestigieux se sont succédés pour apporter leur soutien aux actions menées contre la traite des êtres humains :