Mis à jour le 28 novembre 2023

The Wiltcher’s, des murs chargés d’histoire

Par Shana Devleschoudere
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La configuration particulière du site explique l’articulation de la façade en angle rentrant dessinant une avant-cour en pentagone irrégulier.

La configuration particulière du site explique l’articulation de la façade en angle rentrant dessinant une avant-cour en pentagone irrégulier.

Du wiltcher’s à la Grand-Place, Bruxelles, le berceau de l’art nouveau et de l’art déco, transporte le promeneur, dans ses rues, comme dans un musée.

De la cour intérieure, levez les yeux vers le faîte du Steigenberger Wiltcher’s… Choc visuel garanti, tant ce 5 étoiles unique possède un lot de beautés architecturales.

Au début du XXe siècle, Sydney-Charles Wiltcher, fils d’immigrés anglais, débute, sur la royale artère qui tire son nom d’un hommage à la première reine des Belges, épouse de Léopold Ier, l’exploitation d’un hôtel aux lignes Beaux-Arts commandité par le baron Joseph de Crawhez.

À la Belle Époque, le site vibrait au rythme des élégantes en landaus découverts, des gentlemen en haut de forme, des équipages qui revenaient de l’hippodrome de Boitsfort. Les habitations, construites entre 1850 et 1914, ont vu se succéder plusieurs styles : néoclassique, les courants néo-Renaissance flamand, italien et français ; un mélange de diverses tendances architecturales ; l’Art nouveau et enfin la résurgence de l’éclectisme du premier tiers du XXe siècle dans lequel s’inscrit le Steigenberger Wiltcher’s. Des éléments des courants de l’architecture française du XVIIIe (classique, rococo, néoclassique) s’y retrouvent entre richesses et ornementations florales, élévations en pierre blanche, briques rouges ou orangées. Autre caractéristique, le fer forgé est utilisé pour les éléments tels que les grilles, la porte, les balcons, les garde-corps. La plupart des nobles de l’époque jouissaient d’un château ou d’une maison de campagne dont ils profitaient à la belle saison et d’une résidence bruxelloise occupée dès les premiers frimas.

Le baron Joseph de Crawhez ne dérogeait pas à cette habitude. En décembre 1911, l’entrepreneur spadois fit creuser les fondations d’un hôtel particulier sur base des croquis de l’architecte Henri Beyaert. La propriété comportait alors un jardin avec une avancée latérale sur la rue. En 1910, dans le sillage de l’Exposition universelle, Georges Delcoigne fut chargé de transformer cette propriété en un bâtiment de 5 étages à vocation hôtelière. Curieusement, l’oeuvre de cet architecte belge, autodidacte, semble se limiter à 2 maisons Art nouveau, l’une de style « Art nouveau floral » et l’autre de style « Art nouveau géométrique ».

La métamorphose de l’édifice est ponctuée de rebondissements, des remaniements (l’Atelier d’Architecture de Genval a largement participé à un remodelage en profondeur de l’entrée), de la démolition d’un pavillon et de la façade suivie d’une véritable et sublime renaissance. Parmi les travaux entrepris, des éléments de la façade de la grande cour ont été moulés sur place et replacés sur leur balcon d’origine en fer forgé, à parapet ajouré, des éléments typiquement bruxellois dans la veine Beaux-Arts. Le leitmotiv décoratif est ici la palmette. Les couleurs claires de l’ensemble résultent des matériaux utilisés : pierre bleue reconstituée, verre opaque, aluminium doré des châssis, inox… De nombreuses réflexions ont conscientisé à la conservation du patrimoine architectural comme témoin de l’histoire de la capitale. Inspiré du style Louis XVI, caractérisé par une élévation latérale soignée, traitée en décrochement, l’immeuble classé « hôtel Godefroy », attenant au Wiltcher’s, abrite désormais le restaurant étoilé La Canne en Ville.

Le Steigenberger Wiltcher’s a tissé des correspondances érudites pour sublimer une demeure aristocratique en un palais hôtelier qui arbore fièrement, çà et là, une fleur de lys, symbole solaire associant la lumière à la royauté. 

L’entrée principale de l’hôtel 5 étoiles est revêtue de longrines et de pavés, sous une forme brute. La Pierre Bleue Belge se marie parfaitement à l’âme de ce lieu mythique.

Motif ornemental par excellence, la fleur de lys revêt une place de choix dans l’art architectural à travers les siècles.